Netflix se diversifie encore et propose ce mois-ci 13 Reasons Why, un drame adolescent de treize épisodes très sombre et déstabilisant. Adaptée du roman de Jay Asher, la série créée par Brian Yorkey revient sur le récent suicide de la jeune Hannah Baker (Katherine Langford) qui a laissé dernière elle des cassettes audio pour expliquer son geste. Cette réflexion, bien que quelques fois maladroite, sur la jeunesse et sa violence est une jolie réussite presque d’utilité publique.
Des personnages diversifiés et touchants
Le suicide est souvent abordé à la télévision, mais rarement utilisé comme fil conducteur. Ce sujet très lourd est difficile à traiter sans tomber dans le pathos et la caricature. L’évènement est passé au crible par l’entourage de la victime qui remonte petit à petit à l’origine de cet acte morbide. C’est principalement à travers les yeux et avec la sensibilité de Clay Jensen, brillamment interprété par Dylan Minnette, que nous entrons dans cet univers adolescent intense et sans compromis.
Chaque cassette est destinée à un personnage particulier et le met sous le feu des projecteurs. En choisissant d’évoluer sur deux temporalités parallèles, les évènements décrits par Hannah et le moment où Clay les découvre, les adolescents dévoilent plusieurs facettes de leur personnalité et nous avons l’occasion de les voir changer. Dans un premier temps uniquement définis par leurs erreurs, ou leur relation avec Hannah, la plupart parviennent rapidement à s’en défaire et à s’affirmer. Jessica (Alisha Boe), la rivale d’Hannah, et Tony (Christian Navarro), l’ami homosexuel de Clay, sont des parfaits exemples de personnages secondaires attachants et crédibles, évitant les stéréotypes malgré un temps à l’écran limité.
Un traitement très intéressant est également offert aux adultes, et plus spécialement à ceux d’Hannah et de Clay. Attentifs, affectueux, ouverts et désireux de communiquer avec leurs enfants, ces deux couples sont des points d’ancrage chaleureux et rassurants. Les parents d’Hannah n’ont pas pu empêcher le drame, mais ne sont jamais chargés par la série, piège scénaristique qui semblait tristement tentant. L’accent est également mis sur les différentes réactions face à la perte, entre la mère, en quête de justice, et le père, résigné cherchant à maintenir son couple à flot.
Une saison au rythme fluctuant
Dans ce type de séries où le retournement précède le début de la narration, il est parfois difficile de maintenir l’intérêt de l’audience sur la durée. 13 Reasons Why souffre quelque peu de ce problème de rythme et aurait probablement gagné à être plus dense pour éviter les flottements en milieu de saison. Le choix d’aborder une raison par épisodes rend l’ensemble parfois répétitif et sonne clairement comme un prétexte. Les motifs, ainsi listés, importent finalement peu, et le format catalogue tend à desservir la série et son propos.
Autre légère déception, la réalisation s’efface rapidement au profit des enjeux. Très calme et statique, la mise en scène vient souvent s’opposer aux états d’âme tumultueux de l’héroïne. Étonnante, cette approche manque parfois d’un peu de dynamisme, mais se voit cependant rattrapée par une excellente bande-son. Pour différencier le passé du présent, des filtres sont utilisés et rendent les couleurs beaucoup plus froides après la mort d’Hannah. Cette astuce visuelle est un peu facile, mais reste néanmoins efficace, tout comme le montage intercalant les deux histoires qui gagne en lisibilité au fur et à mesure jusqu’à être parfaitement exploité lors du final.
Une dure confrontation avec la réalité
Viols, slut-shaming, harcèlement, humiliations publiques, alcool… 13 Reasons Why n’a pas peur de s’attaquer à des sujets extrêmement durs et le fait avec beaucoup de soin, en toute conscience des risques pris. Les scènes de violence sont difficiles à regarder. Ce qui interpelle par-dessus tout, c’est leur banalité et le sentiment de réalisme qui s’en dégage. La série semble vouloir avant tout déconstruire les préjugés qui les entourent, et pointe particulièrement du doigt de la culpabilisation des victimes. 13 Reasons Why a quelque chose à dire, et prend les jeunes au sérieux en les autorisant à souffrir.
La série dénonce également la solitude qui fait des ravages, et porte à l’écran, avec beaucoup de sensibilité, ces douleurs silencieuses, mais bien réelles. Au milieu du chaos, la série nous quitte tout de même sur une lueur d’espoir et permet à de nombreux personnages de faire leur deuil et d’aller de l’avant. Le suicide d’Hannah ayant amorcé une prise de conscience, certains vont même s’autoriser à demander de l’aide. À qui la faute ? Le suicide aurait-il pu être évité ? La série a l’intelligence de ne pas répondre à ses questions souvent évoquées et laisse le spectateur se faire sa propre opinion après lui avoir simplement établi les faits.
13 Reasons Why n’est pas spécialement agréable à regarder tant elle retourne et brusque le spectateur, mais dépeint avec énormément de pertinence le quotidien de tant de jeunes souvent oubliés. Série pour adolescents d’une maturité à glacer le sang, cet appel au secours porte un regard sévère sur la jeunesse d’aujourd’hui. Déroutante, ce n’en est pas moins une œuvre importante qui pourrait aider beaucoup de jeunes et que j’aurais aimé voir plus tôt.