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Black Mirror Bandersnatch : Réfléchir ou se divertir, il faut choisir

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Après Bandersnatch, on sait que le monde se divise en deux : ceux qui choisissent les Frosties et ceux qui ne savent pas ce qui est bon. Véritable événement télévisuel de la fin d’année 2018, Black Mirror a fait son grand retour sur Netflix avec le premier épisode/film interactif de la plateforme. Réalisé par David Slade (Metalhead) l’épisode propose une expérience inédite, demandant au spectateur d’écrire l’histoire de son protagoniste par le biais de choix plus ou moins anecdotiques, du petit-déjeuner au meurtre pur et simple.

Basé sur un projet avorté de jeu vidéo du même nom par la société Imagine Software, Bandersnatch se construit tel un « Livre dont vous êtes le héros », les romans jeunesse en vogue dans les années 1980. Ce projet ambitieux se compose d’un total de 150 minutes de film divisé en 250 segments. En embarquant dans l’histoire, vous signez courageusement pour une aventure d’une moyenne de 90 minutes.

L’intrigue se situe en 1984, allusion évidente à l’œuvre de George Orwell, où l’on accompagne le jeune Stefan (Fionn Whitehead) dans le développement de son premier jeu vidéo, inspiré du livre préféré de sa défunte mère et dont l’auteur a perdu la tête avant de tuer sa femme. L’ambiance est posée. Sur plusieurs mois, on l’observe s’enfoncer dans une histoire rocambolesque, jusqu’à atterrir dans l’une des cinq fins écrites pour nous (plus d’informations sur le diagramme ici). Alors, aventure incroyable ou arnaque à grande échelle ? A vous de choisir.

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Choix 1 : Décevant

La déception et la frustration viennent en plusieurs temps. Très vite, on réalise que les passages interactifs donnent lieu à des moments de flottement incompressibles. On pardonne ces lenteurs et ces cassures de rythme qui nous sortent de l’histoire de par le format de l’épisode, mais le mal est fait, et l’impatience survient.

Ensuite arrivent les premières impasses scénaristiques nous forçant à revenir en arrière pour modifier nos choix. Au début, pourquoi pas ? C’est le jeu après tout, mais très vite les reboots se multiplient et donnent l’impression de piétiner. On se rend compte que Bandersnatch nous emmène exactement là où il veut. Pas inintéressant, mais pas ce qu’on cherchait, la trahison est grande.

L’expérience est unique, certes, mais pas pour autant agréable. Au final, on s’ennuie devant Bandersnatch. À aucun moment, on ne se sent réellement investi dans l’histoire. D’abord intrigué par le concept, puis déterminé à avoir le fin mot de l’histoire, on enchaîne les étapes de la descente aux enfers de Stefan un peu résigné, et franchement sans y comprendre grand-chose.

Selon les versions, le scénario prend une ampleur différente. Simulation méta, conspiration, folie grandissante ou carrément pseudo-retour dans le temps, l’épisode est un mélange indigeste de toutes les thématiques de science-fiction qui font d’habitude la saveur de Black Mirror, mais laissent ici dubitatif. Au détriment de la cohérence, tout est fait pour faire monter la paranoïa du spectateur/joueur, pour un résultat mitigé.

Choix 2 : Intéressant

Alors, c’est raté ? Pas tout à fait. Il est déjà impossible de ne pas souligner la performance. Malgré ces problèmes de rythme inhérents, Bandersnatch est une réussite formelle indéniable. Loin d’être le premier film interactif, c’est probablement le premier qui marquera les mémoires. La réalisation est impeccable, les scènes s’enchaînent avec une grande fluidité et c’est tout de même sacrément beau. Très ancré dans les années 1980, l’esthétisme est également réussi. Que cela soit à travers les décors, les couleurs ou la bande-son, on s’y croirait.

D’un point de vue thématique, il y a aussi quelques fulgurances. Les dessous de l’univers du jeu vidéo, faisant clairement écho à celui de la télévision ou du cinéma, sont présentés avec une certaine finesse, de la désillusion des jeunes créateurs à la pression des maisons de production. Quelques autres pistes pertinentes telles que la culpabilité, le deuil, la responsabilité sont abordées, mais malheureusement à peine effleurées.

Mais bien évidemment, le thème central de Bandersnatch est le libre arbitre. Ou plutôt, l’impression de libre arbitre. Très méta, l’épisode fonctionne sur plusieurs niveaux, et son expérience va bien au-delà du simple visionnage. À mesure que Stefan réalise qu’il est contrôlé – par nous entre autres –, on comprend également que l’on est manipulé par l’épisode. À se demander si la frustration et la distanciation générées ne sont pas volontaires, initiant des débats finalement bien plus passionnants que l’épisode lui-même.

Ultra-référencé, Bandersnatch satisfera les fans attentifs de Black Mirror, plaçant de nombreuses références à ces précédents épisodes. Le « Black Mirror Universe » continue et c’est un vrai plaisir pour les conspirationnistes en herbe. Suivent, en vrac, des clins d’œil à Alice au Pays des Merveilles, Matrix, The Truman Show, aux écrits de Philip K. Dick et évidemment à l’univers du jeu vidéo.


Alors qu’on hésite encore sur le génie ou sur l’imposture de cet épisode, il semble évident que Bandersnatch ne laisse pas indifférent. Si ce n’est pas le format sous lequel Black Mirror brille le plus, la série de Charlie Brooker a su se l’approprier pour proposer quelque chose de nouveau, de déstabilisant et créant le débat. Profondément sombre, on revient également aux fondamentaux de Black Mirror, un bon signe pour la saison 5 que l’on attend maintenant de pied ferme.