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FEUD : Bette and Joan ou la joie de vieillir à Hollywood (sur Disney+)

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feud bette et joan saison 1 - FEUD : Bette and Joan ou la joie de vieillir à Hollywood (sur Disney+)

Avant de délivrer une version plus que fictionnelle d’Hollywood pour Netflix, le producteur, scénariste et réalisateur Ryan Murphy s’était intéressé en 2017 à une histoire vraie ayant pris place à Tinseltown. Il s’était alors associé à Jaffe Cohen et Michael Zam pour relater la supposée rivalité entre deux légendes du cinéma, Bette Davis et Joan Crawford, dans FEUD qui est disponible sur Disney+.

L’histoire commence alors au début des années 60 à Hollywood. Se voyant proposer de moins en moins de rôles, Joan Crawford jette son dévolu sur l’adaptation du roman horrifique What Ever Happened to Baby Jane ? La possibilité de redynamiser sa carrière s’offre à elle et elle est prête à tout pour que cela se produise, même à travailler avec sa soi-disant rivale, Bette Davis. Derrière la caméra, Robert Aldrich met en scène une rivalité qui va au-delà des pages du script.

Look, we don’t have to be best pals, we just have to be allies for this picture to be a success.

FEUD : Bette and Joan se présente comme l’opposition entre deux légendes hollywoodiennes prête à tout pour retourner au sommet. Cela se veut l’histoire de deux femmes qui était aussi différentes et similaires dans une industrie où misogynie et âgéisme sont monnaie courante.

Se composant de 8 épisodes, cette saison de FEUD ne tarde pas en vérité à ressasser ses problématiques. Que ce soit dans la dynamique de ses deux têtes d’affiche ou de la mise en avant d’un système qui profite et abuse de ces deux femmes, tous ces points sont rapidement établis. Ils ne cessent cependant d’être revisités sans que cela n’apporte forcément quelque chose de plus. La cérémonie des Oscars marque un tournant, le récit ne parvenant pas avec les deux épisodes avant le final à retrouver toute l’énergie qu’il pouvait y avoir sur le tournage de Baby Jane.

FEUD fait d’ailleurs quelques diversions pour essayer d’enrichir son propos avec plus ou moins de réussite. C’est ainsi que la série s’intéresse à Pauline, l’assistante (imaginée) d’Aldrich pour se pencher sur les femmes réalisatrices. Aussi sympathique puisse être le personnage, les intentions sont tellement évidentes que cela en devient étrangement encombrant. Pourtant, l’équipe créative parvient mieux à se confronter aux ambitions professionnelles d’Aldrich, en y mêlant les règles du studio et les caprices de stars.

Le choix narratif de retranscrire cette histoire par le biais d’une équipe voulant faire un documentaire apporte de bons moments avec ses intervenantes — Olivia de Havilland et Joan Blondell —, mais reste souvent une facilité scénaristique pour communiquer de manière peu originale des informations. Cela ne coupe jamais le récit, mais cela ne semble pas non plus être complètement utile.

bette davis et joan crawford - FEUD : Bette and Joan ou la joie de vieillir à Hollywood (sur Disney+)

Les véritables Bette Davis et Joan Crawford

You mean all this time we could have been friends?

FEUD: Bette and Joan peut quoi qu’il arrive compter sur ses deux actrices. Ou ses quatre actrices. Joan Crawford et Bette Davis. Jessica Lange et Susan Sarandon. Fiction et réalité se mélangent intimement dans cette saison au sein de laquelle l’équipe créative a bâti son récit à la fois sur des faits et des rumeurs et ne craint pas de déplacer certains évènements sur la ligne temporelle pour mieux thématiser les épisodes.

Outre son grande sujet — la place de la femme d’un certain âge à Hollywood —, FEUD brille dans deux domaines bien différents. Le premier est lorsque la série se veut plus campy, dans l’esprit du film qui est derrière cette histoire. La mise en scène vient soutenir à merveille ce traitement, nous délivrant une image aussi excessive qui colle parfaitement à ce vieil Hollywood.

Dans ce registre, la columniste Hedda Hopper est une petite réussite. Si elle est représentée avec superficialité et souvent un simple accessoire scénaristique pour servir Joan (aucune de ses amies actrices n’est présente), elle est incarnée à la perfection par Judy Davis, dit tout ce qu’il faut dire et monopolise le regard à l’aide de ses chapeaux.

FEUD : Bette and Joan touche aussi au but dès qu’elle mise sur les émotions dans leur forme la plus brute. Trop lissé, et la série tombe presque dans la démonstration. Cependant, dès qu’il est question de pousser Joan ou Bette dans leurs retranchements, la série parvient à porter un regard honnête, douloureux, mais aussi plein de compréhension sur l’expérience de ses actrices.

C’est donc là qu’entre en jeu Lange et Sarandon. La première met un peu de temps à trouver comment donner le jour à Joan Crawford, icône plus qu’égratignée par Mommy Dearest, véritable diva qui aura passé sa vie d’actrice à se cacher derrière l’image qu’elle renvoyait d’elle-même. Cela pousse dès lors l’histoire à devoir extrapoler sur qui était Crawford et le résultat a de quoi déchirer le cœur. Lange finit par toucher juste. On pourrait presque voir un déclic chez l’actrice, comme si elle avait réalisé à un moment qu’elle ne pourrait jamais être Joan Crawford, mais qu’elle pouvait offrir une version alternative de l’actrice.

Excellant à un autre niveau, Sarandon disparait plus aisément dans les chaussures de Bette Davis. La ressemblance est plus palpable, et il est plus aisé de se laisser au départ captiver par cette dernière. Cependant, si Crawford a construit sa carrière sur son apparence, Davis a misé sur son talent (elle n’a pas 10 nominations aux Oscars pour rien), sachant qu’elle n’était pas suffisamment attractive. Autant dire que l’exploration de ce sujet perd quelque peu en force lorsque l’on contemple Sarandon sur notre écran.

I don’t need subtext, Bob, I need good text.

Ces deux actrices oscarisées méritaient sans aucun doute une série de luxe raflant bien des nominations aux Emmy Awards — même si la télévision n’était pas respectée en ce temps-là. Si cette saison de FEUD ne se montre pas aussi riche qu’escomptée, elle relate un bout de l’histoire légendaire de deux actrices avec panache et respect.

Malgré un récit imparfait avec ses maladresses et ses longueurs, FEUD émeut et on ne peut que terminer la saison avec l’envie de se plonger dans les grands classiques de Bette et Joan. C’est l’essentiel, au fond.