Assez productive cette année, Phoebe Waller-Bridge nous revient quelques mois après Crashing avec Fleabag, une série qui se base sur un personnage qu’elle avait créé pour le théâtre. Cette fois, c’est sur BBC Three que cela se passe et, comme la chaine désormais uniquement en ligne l’a prouvé dernièrement, elle ne vise plus autant les jeunes qu’avant — et ne les touche plus également.
Phoebe Waller-Bridge donne en effet corps à une femme adulte nommée Fleabag qui est quelque peu absorbée par sa propre personne, qui ne parvient pas à entretenir une relation romantique concrète et qui maintient des liens assez compliqués avec les membres de sa famille. Même son business n’est pas en forme, mais cela ne l’empêche pas de garder le sourire et de continuer à être mesquine quand l’occasion se présente.
Du moins, c’est l’image que le début brouillon de cette première saison de Fleabag nous renvoie. Entre un style mal affirmé qui laisse une pointe de vulgarité accessoire prendre trop les devants et un personnage qui nous introduit timidement à son univers, le show semble plus superficiel qu’autre chose.
Au premier abord donc, car plus les épisodes passent et plus Phoebe Waller-Bridge arrête de s’encombrer avec des effets comiques optionnels pour mieux nous entrainer dans les recoins sombres de sa série.
Fleabag se révèle alors être le portrait d’une femme blessée qui a perdu sa meilleure amie et qui refuse de la laisser partir, tout comme elle n’a jamais réellement fait le deuil de sa mère emportée par un cancer. Elle s’est construit une carapace qui l’étouffe et qui repousse ceux qui sont proches d’elle, alors qu’elle tente en vain de s’ouvrir à eux.
Sans jamais véritablement rejeter sa part de comédie, cette première saison trouve donc sa force sous la surface, là où Fleabag cache sa douleur. Elle finira bien entendu par la laisser prendre le dessus, mais c’est un processus qui demanda les six épisodes de cette première saison pour aboutir. Par conséquent, son trajet entre son amie disparue, sa sœur névrosée, son insupportable belle-mère et son père qui lui ressemble beaucoup trop est fait de détours et d’esquives qui servent à nous montrer son vrai visage.
Dans ce sens, Fleabag n’est pas réellement une comédie qui ne s’occupe que de faire rire, elle est même peu concernée par cela à un certain point. C’est d’ailleurs probablement préférable, car son humour semble bien trop souvent forcé et occasionnellement graveleux pour le simple plaisir de l’être. L’écriture gagne alors en subtilité à force que l’on s’éloigne de tout cela pour se concentrer sur le mal-être de Fleabag.
Il est un peu regrettable que la précision et l’intelligence que l’on trouve au bout de cette première saison ne soient pas présentes dès le début, car Fleabag aurait certainement pu s’accommoder de plus d’homogénéité à ce niveau. Malgré tout, avec son intérêt grandissant d’un épisode à l’autre, elle se laisse suivre en devenant attachante et touchante, à défaut d’être hilarante.