Initialement présentée comme un thriller policier influencé par le mouvement Nordic Noir, la série Fortitude s’est vite imposée comme une œuvre atypique, où éléments policiers, gore et science-fiction se rencontrent pour donner corps à une histoire étrange et imprévisible.
La création de Simon Donald arrive maintenant à son terme avec une troisième saison de Fortitude composée de 4 épisodes pouvant nous emmener dans n’importe quelle direction. En toute logique, le but serait de nous conduire à une conclusion, d’offrir à cette communauté un brin de réponses ou tout du moins la possibilité de tourner la page après les tragiques évènements qui y ont pris place. Après tout, la ville la plus sûre du monde est devenue rapidement l’une des plus dangereuses.
Qu’on se le dise, Donald ne semble pas intéressé par donner du sens à ce qui se passe, au contraire. Plus la série progresse et plus elle embrasse la folie ambiante au détriment de la cohérence. La fine ligne entre la science et le surnaturel n’existe plus vraiment, il n’y a ni le temps ni l’envie de la part du scénariste de continuer d’entretenir ces problématiques.
On peut d’ailleurs se demander au fond ce qu’il souhaite dire avec ces derniers épisodes — ou tout simplement accomplir. Cette saison 3 de Fortitude est un enchainement d’évènements dépassant toute logique, où le résident n’ayant pas perdu la raison est officiellement une espèce en voie de disparition.
La saison s’amorce avec un semblant de logique. Neuf semaines se sont écoulées depuis la conclusion de la saison 2. Venus d’Oslo, les détectives Ingemar Myklebust et Torsten Øby sont sur le point de clôturer leur investigation sur la mort de Munk. Conscient que quelque chose de louche se trame à Fortitude, ils décident de rouvrir l’affaire la veille de leur départ, inconscients du danger qu’ils courent à rester trop longtemps dans ce coin de l’Arctique.
Ce qui aurait pu être l’occasion pour la série de revenir à ses origines nordiques est vite balayé d’un geste de la main. Depuis que Dan a été contaminé par le parasite, l’univers policier s’est tout simplement désintégré au même rythme que la sanité du shérif. Celui-ci n’a plus toute sa tête, touchée par des hallucinations existant pour tenter de donner un brin d’explication à ses agissements. Plus la barbe de Dan est longue, et plus il perd pied avec la réalité. Autant dire qu’on a perdu Dan.
La logique a donc déserté Fortitude. L’isolement et les tragédies n’ont eu de cesse de pousser les habitants dans leurs retranchements et embrasser leurs démons personnels — entre alcool, amour, hallucination, ambition et violence gratuite.
Simon Donald est donc parti en roue libre pour ces derniers épisodes. Même lorsqu’il tente encore de raccrocher quelques wagons ensemble pour sa mythologie, à travers la nouvelle venue Elsa Schenthal, cela ne mène plus ou moins nulle part.
Au final, Fortitude est une ville où les âmes perdues pouvaient se retrouver, mais pas être sauvées. Dans cet endroit glacial, les obsessions des uns et des autres prenaient toujours le dessus, les poussant à dépasser des limites morales et plus ou moins rien pour les arrêter à ce stade. Que ce soit en terme scientifique ou dans le domaine privé, les barrières étaient continuellement dépassées, et le récit n’aura eu de cesse de s’éparpiller et de partir dans toutes les directions.
Au fond, à l’image de ce qui affecte Dan, cette saison de Fortitude ressemble à une grosse hallucination à laquelle il est difficile de donner du sens dans son ultime heure. Il était alors dès lors plus que temps de quitter la ville, mais on peut regretter au final de ne pas le faire dans de meilleures conditions. Fortitude était unique en son genre, elle n’a juste pas su retomber sur ses pieds une dernière fois.