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Séries Girls ou l’évolution dans la répétition

Girls ou l’évolution dans la répétition

Girls Saison 6 - Girls ou l’évolution dans la répétition

Depuis son lancement sur HBO en 2012 jusqu’à sa fin au bout de six saisons, Girls aura été une série marquée par sa créatrice et actrice principale, Lena Dunham. Étiquetée au départ comme étant un anti Sex & The City, Girls suit un groupe d’amies new-yorkaises dans la vingtaine pour qui le sexe, l’amour et l’amitié sont autant de prétextes à discuter qu’à expérimenter. Mais tout comme les personnages, le propos de Lena Dunham se veut bien plus large et plus universel que la vie chaotique de ses anti-héroïnes.

Une bataille d’égos

Girls n’essaie pas nécessairement de représenter la génération de ses personnages comme ce fut annoncé au départ. C’est typiquement la série de l’individualité, celle où chaque personnage est enfermé sur lui-même, dans ses défauts et ses angoisses. Hannah (Dunham) et Marnie (Allison Williams) sont des égocentriques, égoïstes qui répètent sans cesse les mêmes erreurs, mouvement cyclique où l’apprentissage ne vient pas avec l’âge ou l’expérience.

Ainsi, les personnages n’auront de cesse tout au long de la série de se trahir, de s’aimer, de se dire les quatre vérités sans fard. Si le procédé peut apparaître redondant — et il l’est —, leurs brouilles et leurs amours se font le reflet d’une génération indécise, inconstante, jamais réellement sûre de ce qu’elle veut ou de ce qu’elle ressent. Que ce soit par les relations d’Hannah avec les hommes (Adam notamment) ou celles qui se développent entre les quatre « Girls », l’égo est constamment un frein à ce que les personnages atteignent une certaine maturité.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils fassent du surplace, simplement que l’individu ne fait pas face à une grande révélation le métamorphosant pour aller vers le bien. Même si le parcours d’Hannah, particulièrement avec sa grossesse dans la dernière saison, atteste d’un changement d’horizon, elle reste elle-même, énervante et attachante, sans compromis. C’est aussi cela qui fait la force de Girls : ne pas forcer le trait mais s’attarder sur les microévolutions d’un parcours personnel.

Girls Saison 2 - Girls ou l’évolution dans la répétition

L’amitié, une denrée rare et changeante

Mais la série est aussi une autopsie âpre et juste de l’amitié. Même dans ses saisons plus moyennes, elle a su mettre parfaitement en avant ce groupe de filles (et d’hommes parfois) qui s’aiment mais se déchirent, qui s’apprivoisent mais s’éloignent. Les relations amicales constituent un point nodal de leurs vies, des tuteurs pour savoir si les choix faits sont bons, pour profiter des bons comme des mauvais moments. Si la série parvient à toucher à l’universel, c’est dans les rapports qu’Hannah, Marnie, Shoshanna (Zosia Mamet) et Jessa (Jemima Kirke) entretiennent, pour le meilleur et surtout pour le pire.

En ce sens, l’amitié de Marnie et Hannah reflète parfaitement l’aspect paradoxal d’une telle relation. Elles désapprouvent systématiquement le choix de l’autre, s’énervent souvent, mais restent indubitablement liées par une affection qui portera la série jusqu’à la fin. Ce ne sera pas le cas avec les autres, notamment Jessa, ce qui montre que les amis sont aussi des mouvements passagers, représentatifs d’une période de la vie, importants mais qui ne sont pas forcément là pour durer. Le discours final de Shoshanna, aussi dur que libérateur, transcrit alors parfaitement le propos de Girls.

Génération désenchantée : tout est chaos

La série, durant ses six saisons, ne brillera pas foncièrement par l’exploitation de la vie professionnelle des personnages, celle-ci étant constamment utilisée pour être un reflet des réflexions de Lena Dunham. Ainsi, Hannah, apprentie journaliste, fut pour la créatrice un moyen pour adresser un message féministe fort, problématique, pas toujours nuancée mais dont l’engagement personnel force le respect. Avec des épisodes s’attardant sur le harcèlement sexuel, le sexisme ou l’inégalité entre les genres, Dunham trouve dans sa série un moyen d’expression controversé, étant parfois son propre ennemi, mais ayant le mérite de se faire entendre.

Elle nous dépeint alors une génération désenchantée, en proie avec une incertitude grandissante face à l’avenir. Que ce soit par la relation amoureuse tumultueuse entre Adam (Adam Driver) et Hannah, Marnie et Charlie (Christopher Abbott), Desi (Ebon Moss-Bachrach) ou Ray (Alex Karpovsky) ou par les parcours professionnels plus que chaotiques d’Elijah (Andrew Rannells), Marnie ou Jessa, Girls démontre que la génération actuelle ne sait pas où elle va, perdue entre rêves et réalité. Si cela pourrait attrister, les personnages foncent toujours tête baissée, conscients mais volontaires, ce qui les grandit au fur et à mesure de la série. Avec eux, on a jamais envie de perdre espoir.

De ses débuts fulgurants à sa fin mélancolique et pourtant si juste, en passant par des creux énervants, Girls était et est une série qui divise, qui se discute et qui se digère aussi. Avec ses personnages irritants mais vrais, elle confronte le spectateur à la voix de Lena Dunham, certes singulière mais profondément engagée dans son époque, avec ses qualités et ses défauts. Même si elle m’a souvent exaspéré, Girls aura su me marquer et maintenant, peut-être, me manquer.