Aller au contenu
Séries Kidding Saison 1 : Souffrir à l’abri des projecteurs

Kidding Saison 1 : Souffrir à l’abri des projecteurs

Kidding Saison 1 - Kidding Saison 1 : Souffrir à l’abri des projecteurs

C’est en renouant avec Michel Gondry — 14 ans après Eternal Sunshine of Spotless Mind — que Jim Carrey retrouve un rôle à la mesure de son talent. Clown triste d’une dramédie née de l’imagination de Dave Holstein et réalisée en partie par le cinéaste français, Kidding est une création télévisuelle aussi touchante que bizarroïde.

La série s’attarde sur Jeff Pickles, campé par Jim Carrey, conteur pour enfants dans un programme télé extrêmement populaire. Ce personnage de bonté parvenant à trouver de l’optimisme partout voit sa vie s’écrouler par la récente perte de l’un de ses fils.

Sous ses airs niais, Kidding prend aux fils des épisodes une profondeur aussi surprenante que bouleversante. L’une des forces de la série de Dave Holstein tient à son exploration des répercussions d’un traumatisme autour de soi. Si la douleur de Jeff est centrale, elle affecte son noyau d’intime. Sa femme, Jill (Judy Greer), s’éloigne de lui pour essayer de se reconstruire tout comme son fils, Will (Cole Allen), qui souffre de sa ressemblance avec son défunt frère et se cherche en empruntant sa personnalité rebelle pour continuer à faire vivre le souvenir de son frère.

Mais les répercussions vont au-delà de cette cellule familiale, puisque Jeff tient à extérioriser ses peines dans son émission contre l’avis de son producteur et père, Seb (Frank Langella). Le problème est qu’aujourd’hui Jeff ne se reconnaît plus en Mr Pickles. Le média télévisuel apparaît alors comme déformant la réalité, si l’homme souffre, Mr Pickles lui ne le peut pas. Cette dichotomie entraîne Jeff dans une introspection cherchant à s’émanciper de son personnage pour être dans une sorte d’harmonie avec lui-même.

En grattant un peu, on découvre que Kidding aborde la question du double, il est présent, planant sur l’ensemble des personnages. Bien sûr, Jeff Pickles et l’image qu’il donne à son public, Will et son frère jumeau disparu, mais aussi sa sœur Deirdre (Catherine Keener) et sa fille (Juliet Morris) sur laquelle elle se projette et qu’elle veut protéger même si cela signifie être malheureuse. Toute la question est alors de savoir si l’on doit explorer ou pas ce reflet de nous-mêmes. La réponse est bien loin d’être simple ou évidente, disons – pour ne pas tout raconter – qu’Holstein insiste sur une chose, toute décision, acte ou traumatisme a ses conséquences.

Dans cette droite ligne, toute la série fait coexister deux mondes qui ne cessent de s’entrechoquer. D’un côté, la réalité âpre, cruelle et injuste. De l’autre, l’imaginaire réconfortant, tendre et lieu de tous les possibles. En s’octroyant la réalisation d’une partie des épisodes, Michel Gondry impose ce double sens de l’image. S’il ne verse jamais dans l’ostentatoire, il aime profiter de la nature de son personnage pour glisser quelques scènes où viennent s’animer les marionnettes pour offrir par moment toute la poésie émotive du cinéaste. Cela lui donne aussi l’occasion d’abîmer cet univers enfantin en y faisant exister une préoccupation bien adulte : le plaisir sexuel.

Ainsi, après des débuts emprunts d’une certaine niaiserie, Dave Holstein nous plonge avec un tantinet de surprise dans une œuvre bien plus profonde, d’une tristesse inouïe et pourtant parsemée de pointes d’optimisme. Kidding explore avec finesse les crevasses d’un drame.