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Séries Kiss Me First Saison 1 : Plongée ambitieuse dans un monde virtuel (disponible sur Netflix)

Kiss Me First Saison 1 : Plongée ambitieuse dans un monde virtuel (disponible sur Netflix)

Kiss Me First Saison 1 - Kiss Me First Saison 1 : Plongée ambitieuse dans un monde virtuel (disponible sur Netflix)

Dernière série de Bryan Elsley, le co-créateur de SkinsKiss Me First est une adaptation libre du roman éponyme de Lottie Moggach, paru en 2013, qui a été produite par Channel 4 et Netflix. L’intrigue nous entraine dans futur proche et nous plonge dans Azana, un univers de réalité virtuelle où tout devient possible, afin d’étudier les rapports ambigus qu’entretiennent les adolescents avec les jeux vidéo et la réalité.

Une série très ambitieuse

Nous suivons la jeune Leila qui surmonte difficilement le décès récent de sa mère. Lorsqu’elle entre dans Azana pour fuir sa vie terne, elle devient Shadowfax, une véritable guerrière. Elle découvre rapidement un monde caché à l’intérieur du jeu en suivant Mania, une autre joueuse, et intègre un groupe de jeunes, les Red Pills. Leur leader, le manipulateur Adrian, leur permet de ressentir les mêmes sensations que leur avatar à l’aide d’une technologie illégale, ce qui va s’avérer être extrêmement dangereux.

Tallulah Haddon, qui joue Leila, délivre une impressionnante première interprétation toute en nuances, et porte la série sur ses épaules. Globalement, tout le casting s’en sort très bien et nous offre des personnages complexes. Malgré cela, aucun n’est réellement attachant. Égoïstes et névrosés, ils sont les symptômes d’un monde qui va mal. Finement écrits, ils parviennent — non sans peine — à éviter les clichés. Seul Adrian ne fonctionne pas, en dépit de son fort potentiel. À force d’être mystérieux et cryptique, il est réduit au rôle de méchant vaporeux dont on ne saisit pas les motivations.

Une vision maladroite de la culture des jeux vidéo

La grande originalité de Kiss Me First est de mélanger prises de vues réelles et l’animation 3D. Les évènements dans le jeu ont été intégralement réalisés en CGI, et leur rendu est incroyable. Le travail de design, des couleurs, les expressions des avatars, tout est très beau. Ce n’est pas surprenant quand on sait que le projet est en développement depuis plus de quatre ans. Alors que la saison progresse et que les limites deviennent floues, les mondes finissent par se confondre et Azana perd son côté cartoonesque, tandis que la réalité gagne en couleur et perd en texture.

Si visuellement c’est une réussite, Azana peinera sûrement à interpeler les joueurs d’aujourd’hui. Cet univers ressemble davantage aux MMO qui inondaient les écrans il y a une dizaine d’années qu’aux jeux extrêmement nerveux et stimulants de maintenant. Et où sont les millions de joueurs annoncés par les médias ? Seuls les personnages principaux semblent utiliser le jeu. Les codes sont mal définis et l’on sent réellement un manque de maîtrise de la culture des gamers.

La perception des rapports entre les joueurs, de la fascination à la manipulation, ainsi que de leurs interactions est plutôt bonne. On manque néanmoins cruellement d’enjeux, et les comportements des héros dans Azana ne semblent pas toujours cohérents. Si l’on trouve quelques références au cinéma, très rares sont celles qui concernent les jeux vidéo, ce qui renforce l’idée qu’Azana se rapproche plus d’un monde virtuel que d’un jeu.

Un décalage handicapant entre le fond et la forme

Kiss Me First cherche à donner corps à un univers onirique et tape-à-l’œil. Parallèlement, elle cherche à dénoncer la détresse émotionnelle des adolescents, propose une réflexion autour du deuil, des amitiés toxiques et de l’addiction. Les propos sont crus, les échanges sont violents et la tension est palpable. D’un côté, le jeu laisse trop peu d’espace à la série pour développer ses messages, de l’autre, l’inconfort permanent de la réalité de Leila empêche l’immersion dans Azana. La série cherche son équilibre, mais réussit tout de même brillamment sur un point : le questionnement de la notion de réalité et de ses limites.

Ces problèmes de forme, imputables au nombre très réduit d’épisodes de cette première saison, sont compensés au visionnage par le côté totalement hypnotique de la série. Malgré l’intrigue parfois confuse, le côté teen drama légèrement excessif — elle est où la police au juste ? – et des montages de hacking plutôt ridicules, le spectateur se trouve happé par l’ambiance si particulière. Kiss Me First mélange les genres, alternant avec aisance entre la science-fiction, le thriller complotiste, le survival et l’horreur, pour créer quelque chose de relativement unique et déroutant.


Mieux vaut être prévenu, le final est plutôt décevant et frustrant. Le dernier épisode pose plus de nouvelles questions qu’il n’apporte de réponses. On sent que Kiss Me First avait encore beaucoup de choses à dire, mais manque sa sortie, comme c’est souvent le cas dans ces circonstances. L’accueil qui lui sera fait sur Netflix scellera probablement son sort, et nous permettra peut-être d’avoir la suite de l’aventure des Red Pills l’an prochain.

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