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Séries Le Bureau des légendes Saison 4 : Tous addicts à Malotru ?

Le Bureau des légendes Saison 4 : Tous addicts à Malotru ?

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Et si JJA (Mathieu Amalric) avait raison ? Dans une tirade aussi brillante que glaçante dans l’épisode 3 de cette saison 4 du Bureau des légendes, le nouveau patron de la DSEC (direction de la sécurité de la DGSE) décrit Debailly (Mathieu Kassovitz), l’agent français passé aux mains des Américains, capturé par Daech et désormais exilé en Russie, comme un poison, un virus qui s’est répandu dans les veines de tout le service, et dont personne n’aurait l’antidote pour s’en débarrasser. Alors, récupérer Debailly/Lefebvre/Malotru ou le laisser finir ses jours en Russie, loin de l’agence ? Telle est la question…

« Ce traître à la nation mérite-t-il des agents, des moyens et ressources considérables pour lui venir en aide ? » se demandaient déjà en substance les membres de la DGSE la saison dernière. Mais faire dans la redite n’est pas dans l’ADN de la désormais série phare de Canal+. Avec le décès d’Henri Duflot, clairement très lié à Debailly, la volonté de ramener Malotru est moins prégnante, voire totalement contestée par JJA, bien décidé à débarrasser le service des clandestins de son ombre toxique. Il va s’opposer à Marie-Jeanne (Florence Loiret-Caille), nouvelle directrice du bureau des légendes, qui apparaît plus pragmatique et cherche toujours le rapport avantages/inconvénients à rapatrier Debailly. Cette bataille interne entre deux visions de la gestion humaine des espions français va infuser la saison en évitant, fidèle aux ambitions de la série, tout manichéisme.

Si Debailly reste donc — malgré lui — au centre de l’attention, l’importance du personnage est à relativiser. Il y a de l’espace pour d’autres espions et sa présence en Russie permet surtout de tisser autour de lui deux solides intrigues sur l’influence de ce pays dans les guerres de renseignement qui se jouent mondialement. L’envoi de Marina (Sara Giraudeau) afin d’intégrer un gros centre de recherche soupçonné de collaborer un peu trop avec le FSB (équivalent russe de la DGSE ou de la CIA) et la bataille informatique que se livrent informaticiens français du bureau et hackers russes passionnent sans forcer sur la dramaturgie.

Pour la première fois d’ailleurs, la série s’intéresse de très près à la cybersécurité. En faisant œuvre de pédagogie (il faut voir Marie-Jeanne ou Raymond écarquiller les yeux devant le dialecte cryptique des ingénieurs), le Bureau des légendes assoit sa légitimité à nous parler du monde d’aujourd’hui. Même devant des enjeux diplomatiques et stratégiques très complexes qui dépassent le commun des mortels, la série n’oublie jamais de rester abordable, de simplifier son langage sans sacrifier sa hauteur de vue.

Le Bureau des légendes n’oublie pas non plus d’être toujours superbement réalisé, et à tenir en haleine dans des séquences haletantes qui ne paient pourtant pas de mine. La palme revient cette saison à l’ouverture de l’épisode 5. Sept minutes dignes des plus grands thrillers à simplement regarder des lignes vertes devenir rouges… ou pas. Un sommet de suspense, parfaitement exposé, brillamment exécuté et aux dialogues inspirés (la blague sur les Ukrainiens).

Et alors que l’on pensait clore un cycle avec la fin de la troisième saison et la fuite de Malotru, c’est finalement ici, en conclusion de cette saison 4, que le sort du personnage se scelle. Dans un dernier épisode passionnant, tous les actes de Debailly, et surtout leurs conséquences, lui sont renvoyés à la figure. À l’autre bout de la chaîne, la décision que doit prendre la direction de « la boite » concernant l’agent sera, elle aussi, lourde de conséquences. Entre l’opposition de JJA, qui ne souhaite pas faire revenir un traître, et Marie-Jeanne, qui considère que la vie d’un homme, quelque soient ses fautes, vaudra toujours d’être sauvée, se pose la question totalement différente de la valeur marchande d’un espion. La vie de Malotru se joue désormais sur un rapport coût/bénéfice, un calcul purement stratégique et comptable. Le final, très « Inception », éblouit par sa force et son émotion.

Avec son interprétation parfaite, sa réalisation ambitieuse et sa narration habile, le doute n’est donc plus permis : si les agents du service sont accros à Malotru, nous, nous sommes bien accros au Bureau des légendes

Le Bureau des Légendes, la série, est à (re)voir en intégralité sur MyCanal.