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Séries Maniac : thérapie à psyché ouverte

Maniac : thérapie à psyché ouverte

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Maniac Saison 1 Episode 3 - Maniac : thérapie à psyché ouverte

Il est pratiquement impossible de décrire ce que Maniac, la nouvelle série Netflix de Cary Funkunaga (True Detective) et Patrick Somerville (The Leftovers), raconte. Deux personnes dépressives, Annie Landsberg (Emma Stone) et Owen Milgrim (Jonah Hill), se rencontrent lors d’un essai pharmaceutique qui peut les libérer de leurs névroses. Et ce, pendant 3 épisodes. Puis, on les suit alors dans des réalités inventées où ces mêmes névroses, mais aussi l’équipe en charge de l’essai, vont venir interférer avec leurs fictions partagées. Le plus épatant étant que l’on ne s’y perd pas tant que ça.

Autre chose remarquable avec Maniac, c’est que chaque segment, indépendamment de ses liens avec Annie et Owen, c’est que les personnages qu’ils incarnent dans la réalité rêvée sont d’une crédibilité incroyable. Au-delà du travail des acteurs, l’écriture de chaque morceau réussit à donner assez de matériel pour que les deux niveaux du récit nous paraissent plausibles et intéressants à équivalence. Un travail d’orfèvre qui se voit particulièrement dans l’épisode 5.

Imbriqué dans cela, de vrais morceaux de bravoure sur la construction générale de la série et de son intrigue. Dans ce même épisode, il y a une scène où Annie s’extirpe de la seconde réalité pour entrer dans la réelle. Pour cacher cela dans la seconde réalité, ils se mettent à danser le madison. L’inventivité de ces huit épisodes est tellement folle que même lorsque ses idées paraissent saugrenues, on y adhère tout de même.

“I make bad deals all the time” — Annie (1.09)

Mais Maniac est aussi une plongée dans les troubles psychiatriques, parlant du refoulé, de l’enfoui qui gangrène nos vies et nous fait nous échapper, notamment par la fiction. La forme — sublimée par le talent de Cary Fukugana — et le fond se mêlent l’un et à l’autre pour donner une direction dans ce chaos qu’est la dépression. Sur le sujet, elle lorgne peut-être du côté de Legion, mais le mutant ici est celui qui parvient à ne pas se laisser envahir par les idées noires. Et elle réussit à tenir son propos là où celle de Noah Hawley ne tient pas toutes ses promesses.

Dans sa façon de cadrer, d’organiser et de faire traîner ses plans en longueur, mais d’y doser savamment les interactions et le contexte, Fukugana maîtrise son objet et subjugue. C’est moins par le récit que par la réalisation qu’il parvient à nous faire douter de ce qui est la vérité et de ce qui est du fantasme : la réalité où ils sont patients de l’essai y est peinte plus onirique, avec ses couleurs chaudes, son décor futuriste et ses mouvements de caméra un peu baroques. Un travail aussi précis que le sont les règles du centre, une forme à la fois extrêmement souple, mais aussi rigide dans sa construction de l’univers.

Ce serait une série à ne pas binge watcher (bien qu’elle s’y prête totalement), même sans tenir compte du fait qu’elle soit sur Netflix. Non, c’est que l’unité de chaque épisode a potentiellement la portée émotionnelle digne d’un de The Leftovers et on peut vite sentir une double frustration à vouloir accuser le coup de ce qui vient d’être vue et celle de vite lancer la suite parce que le récit le demande, surtout à mesure que la saison avance.

Jonah Hill a ce petit air mélancolique, les joues tombant vers le bas qui nous plonge immédiatement dans son personnage, ses inhibitions, ses complexes. Justin Theroux n’est pas en manque de cocasserie et de talent, mais doit affronter l’immense Sally Field qui incarne sa psychiatre de mère et le fait avec une flamboyance à fleur de peau. Cependant, c’est Emma Stone qui surplombe chaque seconde de sa présence et prouve, s’il le fallait, qu’elle est vraiment une des rares actrices qui peuvent tout faire. Sa façon de balancer entre la comédie et le drame sans que cela passe pour un tout autre jeu est éblouissante de subtilité et de naturel.

Quand Maniac nous laisse sur la fin de la thérapie, on est lessivé, triste et heureux. Elle a ses imperfections et c’est peut-être pour ça qu’on l’apprécie encore plus. Elle ressemble à ses personnages, ne cherche en rien la prétention d’être prestigieuse, mais se focalise sur son récit. Une expérience rare.