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Séries Servant Saison 1 : Une nounou d’enfer

Servant Saison 1 : Une nounou d’enfer

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Servant Saison 1 Lauren Ambrose - Servant Saison 1 : Une nounou d'enfer

Créée et entièrement écrite par le Britannique Tony Basgallop (Berlin Station) pour la plateforme Appel TV+, Servant doit beaucoup plus à son producteur exécutif et réalisateur de deux épisodes, M.Night Shyamalan. Beaucoup auront même vite fait de faire un raccourci — regrettable — en qualifiant Servant, de nouvelle série du cinéaste derrière Le Sixième Sens ou le plus récent Glass.

Il faut dire que, dès les premières minutes du pilote réalisé par Shyamalan, le doute sur la paternité de cette création s’immisce. Entre une apparition dans un esprit purement hitchcockien, la mise en scène méticuleusement dérangeante et quelques twists délicieusement excitants, la série est un authentique produit de l’univers du cinéaste. Mais c’est bel et bien Tony Basgallop qui tire les ficelles d’un récit qui, derrière l’introduction Shyamalanienne, cache une œuvre plus lancinante, plus profonde également.

Dans Servant, tout débute par un bébé nommé Jericho dont les parents, Dorothy (Lauren Ambrose) et Sean (Toby Kebbell), accueillent au sein de leur foyer une jeune nourrice du nom de Leanne (Nell Tiger Free). Dès lors, il se tisse un récit articulant, dans une tonalité singulièrement « creepy », une réflexion autour de la parentalité. Si je dois taire l’un des premiers rebondissements irriguant la suite de cette première saison, disons que Basgallop interroge notre propre rapport à l’enfant, au lien affectif entre la mère et son bébé et dans ce prolongement évoque la charge mentale qui surplombe les femmes.

Il découle de ce fameux twist une seconde thématique, celle des traumatismes. Comment l’humain compose-t-il un évènement intrinsèquement ingérable ? La série opte ici pour un éclatement des réponses, entre mensonge et alcoolisme, et enfonce ses personnages, épisode après épisode, dans une certaine déshumanisation qui vient faire planer sur cet objet énigmatique, un troublant malaise.

S’aventurant sur le terrain de l’épouvante, au travers d’un travail d’ambiance diablement efficace, Servant est une série cultivant ses propres mystères. On pourrait dire qu’elle prolonge des œuvres telles que Twin Peaks ou Lost en ne tenant pas à apporter immédiatement les réponses, mais bien à plonger ses spectateurs dans un univers inquiétant nous faisant douter absolument de tout. Sommes-nous dans la réalité ou venons-nous d’entrer dans la quatrième dimension ?

Si Servant évolue dans le genre du mystère, lorgnant vers l’épouvante, elle se prélasse également dans un humour très noir absolument délicieux. Cette dérision permet à la série de s’éloigner des innombrables thrillers « fantastiques », tout en apportant un certain recul par rapport aux évènements qui se déroulent face à nous, évitant l’écueil de l’intellectualisation à outrance.

Tout cela étant encapsulé dans une mise en scène qui part ses choix, ne fait qu’accentuer l’inquiétude de son intrigue. Il ne faut pas être claustrophobe en visionnant Servant, dont les 10 épisodes se déroulent exclusivement au sein de cette belle bâtisse aussi cossue que flippante. Comme Hannibal avant elle, la cuisine joue un rôle central au travers des expérimentations culinaires de Sean. Si elle n’entretient pas d’ambigüité sur les préparations, elle offre, avec ses nombres inserts, un certain écœurement, notamment quand un placenta devient l’ingrédient d’une recette de choux à la crème.

Enfin, la série parvient également avec ses personnages — et incarnations — à créer sa singulière ambiance. Ainsi, la malédiction qui semble frapper Sean donne lieu à quelques séquences frissonnantes, alors que l’interprétation au rasoir de Lauren Ambrose fait osciller Dorothy entre bizarrerie et excès de gentillesse.

C’est cependant bel et bien Leanne qui décroche la palme de l’inquiétude. En effet, cette première saison fait de la nouvelle nounou l’interrogation centrale de ces épisodes, qui est-elle ? D’où vient-elle ? Que veut-elle ? Autant de questions qui nous assaillent de par son mutisme perpétuel dans lequel gravite une matière hautement religieuse.

De ses thématiques à son ambiance, Servant se fait une belle place dans les séries Apple TV+, à la fois thrillesque et profonde, parfois caustique et parfaitement glauque. Si cette saison 1 ne donne pas encore toutes les clés pour comprendre les tenants et aboutissants de son récit, elle donne en tout cas envie d’y revenir rapidement.

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