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Séries Shrill Saison 1 : Retrouver la joie simple de vivre pour soi (sur Canal+ Séries)

Shrill Saison 1 : Retrouver la joie simple de vivre pour soi (sur Canal+ Séries)

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Shrill Saison 1 - Shrill Saison 1 : Retrouver la joie simple de vivre pour soi (sur Canal+ Séries)

Hulu aime les séries centrées sur un personnage, souvent porté par une célébrité et sa personnalité, abordant de côté ou de plein front une problématique de la société. Créée et interprétée par Aidy Bryant (Saturday Night Live), Shrill est une de ces séries et, tout comme The Handmaid’s Tale ou 11.22.63, elle se base sur un livre, « Shrill: Notes from a Loud Woman » de Lindy West. C’est ainsi l’histoire d’Annie, une journaliste qui ne veut plus changer son corps de femme en surpoids, mais l’accepter.

Mais Shrill n’est pas qu’une série sur la grossophobie, c’est aussi un incroyable portrait de personnage. Annie est grosse, c’est un fait, il n’y a pas à le nier. Mais elle n’est pas ça, elle n’est pas que ça, elle n’est pas définie par son poids et tente tout au long de ces six épisodes de se défaire de l’image que la société lui colle. Être gros.se empêcherait d’être pris au sérieux dans son travail, entraverait les relations amoureuses, sexuelles et amicales, ne donnerait pas confiance.

Épisode après épisode, Annie — par l’écriture et l’interprétation émouvante et brillante d’Aidy Bryant — déconstruit tous les préjugés, à commencer ceux qu’elle a internalisés elle-même, pour affirmer sa place. Elle ne tente pas de la trouver, elle l’a déjà et la revendique haut et fort, fait preuve de résilience envers ceux qui, par bienveillance ou non, l’ont déjà dénigrée et prouve ses compétences. Shrill est une série lumineuse où ne sont jamais éludés les moments difficiles, mais où l’on nous apprend à composer avec.

Cette alternance est particulièrement vraie dans le quatrième épisode où Annie assiste à une pool party. Alors qu’elle s’imagine en maillot de bain au milieu des autres, elle ne franchit pas le pas. Alors qu’elle s’imagine danser sans complexe, elle hésite. Puis, de discussion en discussion, ses barrières tombent et elle nous offre trois moments de grâce : une danse au milieu de la foule, un plongeon et ce qui est probablement le plus beau morceau de la série (et un des plus beaux de l’année) à la toute fin de l’épisode où elle expose tout son mal-être face au regard des autres.

Son rapport à sa mère est également très intéressant, et rappelle celui que Plum entretenait avec la sienne dans Dietland ou Kate dans This Is Us. Entre amour et contrôle, il n’y a qu’un pas et beaucoup de ressentiment latent. Quand la vérité explose, dans l’épisode 5, cela fait alors d’autant plus mal que ce sont des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à entendre dans une famille et que l’on s’attend toujours à ce que la personne obèse ou grosse soit gentille, polie, arrondisse les angles, se fasse petite. Annie ne veut pas de cette place prédéterminée.

Elle le prouve également avec son petit-ami par intermittence : “I don’t want to be an obligation” lui dit-elle, mais elle ne veut pas non plus être un choix de seconde zone comme le pilote le fait sentir. D’épisode en épisode, elle tente d’affirmer ses désirs, d’accepter son corps et de prendre en main sa sexualité.

Tout cela se fait écho alors dans le travail de journaliste d’Annie qui démontre point par point que la route est longue pour qu’elle puisse faire changer de regard la société sur elle, mais pas elle dans la société. Son article “Hello, I’m fat” est attaqué de toutes parts par des trolls, ses proches alternent entre peur pour elle et fierté, alors qu’elle ne souhaite qu’une chose : la fin des préjugés et pouvoir enfin être vu normalement. Son combat contre le troll est en ce sens la catharsis poussée à l’extrême d’une génération et d’une frange de la population qui ne veut plus se laisser faire. “I was born gay, I didn’t have a choice, you do” : cette ligne prouve à la fois la violence et la position ambiguë (et stupide) que l’on donne aux personnes en surpoids dans la société. Non, ce n’est pas un choix, encore moins automatiquement une question de volonté. C’est également une maladie, un problème psychologique ou l’expression d’un mal-être.

Shrill, c’est la trajectoire d’une affirmation de soi qui est un délice à regarder, un supplice à voir être entravé et sans nul doute un manifeste pour suivre les pas d’Annie. Si l’ensemble peut sembler anecdotique du fait de sa durée, son message n’est pas entré dans l’oreille d’un sourd et montre la voie à celle et ceux qui veulent parler de grossophobie, mais ne pas en faire le point nodal de leur propos. Shrill, c’est une grande voix.


Publié en mars 2019, cet article est aujourd’hui remis en avant à l’occasion du début de la diffusion de cette saison 1 de Shrill en France sur Canal+ Séries ce lundi 23 décembre 2019 à partir de 21h05. A noter que la saison 2 arrive sur Hulu le 24 janvier 2020.

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