Déjà porté à l’écran plusieurs fois, L’Agent Secret de Joseph Conrad — l’une des trois œuvres les plus citées par la presse américaine après le 11 septembre — a récemment connu une nouvelle adaptation BBC en trois parties qui arrive dès à présent en France sur la chaine Histoire.
Avant tout, L’Agent Secret (de son titre original The Secret Agent) est une satire de l’extrémisme politique qui nous propose de suivre Verloc (Toby Jones, Wayward Pines), un commerçant de Soho membre d’un groupe anarchiste qui est également employé par le gouvernement russe en tant qu’agent provocateur. L’idée est donc pour les Russes de pousser Verloc à commettre un acte terroriste dans le but de convaincre les forces de l’ordre britannique à agir contre les anarchistes qui sont vus comme une menace.
Un tel point de départ ne peut au fond que donner le jour à un récit à la fois ironique et tragique. En suivant cette dangereuse route, Verloc entraine ses proches dans un complot terroriste qui se révèle avant tout plus dévastateur pour lui et sa famille que pour n’importe qui d’autre. Verloc est marié à Winnie (Vicky McClure) qui se présente comme une épouse fidèle de par la sécurité que ce mariage lui procure. Sa mère (Marie Critchley) vit avec eux, comme son frère Stevie (Charlie Hamblett), atteint d’un handicap mental.
Signée Tony Marchant, cette adaptation de L’Agent Secret trouve en Stevie son salut émotionnel. Dans cette mini-série souvent distante, manquant diverses opportunités pour vraiment susciter des émotions, le frère de Winnie s’impose comme une véritable réussite. Faisant souffler un vent de fraicheur lorsqu’il est à l’écran, l’innocence du personnage vient contrebalancer l’ambiance morne de la série.
Ce n’est néanmoins pas suffisant pour donner à cette œuvre le souffle émotionnel qui lui fait défaut pour intéresser d’un bout à l’autre. L’histoire est abordée de manière trop clinique, malgré le fait que Verloc semble la moitié du temps sur le point de craquer. Sa peur se lit sur les traits de son interprète Toby Jones, au même titre que Ian Hart retranscrit parfaitement le nihilisme du Professeur, membre du groupe anarchiste de Verloc qui joue un rôle clé dans l’intrigue.
Reste que les deux hommes sont prisonniers de leurs idées et L’Agent Secret rencontre des difficultés à aller au-delà de ce qu’ils sont censés représenter pour mieux creuser ce qui ne va pas dans les propos qu’ils tiennent. Ce qui est problématique est bien évident, mais cela ne prend jamais le dessus.
L’histoire se révèle plus efficace lorsqu’il s’agit de suivre le Chief Inspector Heat (Stephen Graham), bien déterminé à éviter le pire. Devant répondre de ses actions et de ses échecs, le policier permet de connecter les différents éléments entre eux pour que l’intrigue puisse évoluer de manière plus fluide.
Bien que comprenant trois épisodes, L’Agent Secret peut se découper en deux parties bien distinctes. La première a pour but de nous laisser voir le nombre de fois où tout aurait pu être arrêté alors que la seconde nous montre la tragédie qui ravage tout sur son passage, et surtout ceux qui n’avaient rien demandé. À partir de là, on plonge encore plus dans la noirceur d’une histoire à la conclusion plus que déprimante, mais qui manque presque le coche de par un maintien d’une certaine froideur émotionnel.
C’est au final ce qui empêche L’Agent Secret de vraiment fonctionner à son échelle, son incapacité à parvenir à retranscrire de manière vivace les tumultes traversés par les personnages.
L’intégralité de L’Agent Secret est diffusée sur la chaine Histoire les jeudis 5 et 12 avril, à partir de 20 h 40, suivant un découpage différent de la version britannique qui donne ainsi 4 épisodes.
