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Séries Jordskott, la forêt des disparus : une série pas si fantastique

Jordskott, la forêt des disparus : une série pas si fantastique

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Jordskott saison 1 arte - Jordskott, la forêt des disparus : une série pas si fantastique

Séries nordiques, nouvelle venue ! D’origine suédoise, Jordskott (« détonation de la terre », pour traduire approximativement) envoie pendant ses dix épisodes une inspectrice tête brulée dans les méandres d’une enquête mêlant kidnapping d’enfants, lutte contre l’extraction d’un minerai rare et apparition de phénomènes étranges liés à la forêt environnante. Tout un programme mélangeant le désormais traditionnel polar scandinave au registre fantastique qui malheureusement ne délivrera jamais plus que son postulat de départ, pourtant intrigant.

Eva Thörnbald va mal depuis la disparition de sa fille Josefine il y a sept ans, dans le village natal d’Eva, Silverhöjd, région rurale et forestière de la Suède. Bravant le danger sans penser aux conséquences de ses actes lors de ses missions dans la police de Stockholm, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Quand son père, un grand industriel qui a poursuivi les activités de l’entreprise familiale spécialisée dans la cellulose (et donc la coupe du bois) décède, elle est demandée sur place pour régler les affaires courantes et la succession.

Le village dans lequel elle n’avait pas très envie de revenir devient au même moment le théâtre d’enlèvements successifs d’enfants, tous plus ou moins de l’âge de Josefine. La mort du patriarche Thörnbald et ces disparitions seraient-elles liées ? Le village paisible de Silverhöjd cacherait-il un grand secret ? Et surtout, la forêt, au centre de toutes les attentions avec ce projet de déforestation et d’extraction, serait-elle animée d’un pouvoir mystique ?

La série créée par Henrik Björn doit dès le départ se démarquer de ses illustres prédécesseurs du polar nordique. Pas une mince affaire lorsque l’on voit le nombre de références évidentes qui viennent à l’esprit. Dès la conclusion du premier épisode de Jordskott qui installe un ton procédural pas très original, mais efficace, l’aspect fantastique intrigue. La réapparition soudaine d’une jeune fille qui ressemble à Josefine et qui pourrait avoir son âge aujourd’hui, mais dont l’ADN ne correspond pas la fille d’Eva met la narration sur une piste sortant des sentiers battus.

Il faut, malgré cette ambiance qui s’implante peu à peu, se coltiner une enquête policière rabâchée et des personnages franchement prévisibles, avec dans le désordre : un policier qui cache son jeu et manipule les preuves ; une adolescente autiste qui comprend ce que personne d’autre ne comprend ; des « rednecks » suédois bas du front et revanchards ; un chef d’entreprise sans scrupules en dépit des avertissements insistants ; une adolescente en crise qui découvre qu’elle fait partie de quelque chose qui la dépasse ; un homme simplet bien intentionné ; et une mère célibataire qui fait chanter son entourage pour d’obscures raisons…

Tout ce petit monde s’active pour préserver ses intérêts et enfonce, par manque flagrant d’originalité, la série dans une léthargie dont elle ne sortira pas, malgré les découvertes fantastiques qui vont nous être proposées au fur et à mesure des dix épisodes. Jordskott revêt alors les atours de la fable écolo sur fond de mythologie ancestrale, des créatures issues des folklores suédois et norvégien étant citées. Il y a une belle idée autour de cela, que l’humain qui prend à la nature se voit à son tour dépourvu de quelque chose. Ainsi, le jeu des disparitions peut intéresser et permet de faire quelque peu monter la pression pour les protagonistes.

Mais ce que Jordskott réussit, elle ne le réussit qu’à moitié. L’aspect surnaturel ne sera jamais le centre de l’attention (pas avant les deux derniers épisodes tout du moins) et donc jamais une menace. Ce qui pose problème, puisque l’enquête policière ne sort jamais des rails et tente d’expliciter en permanence et de manière balourde son déroulement. Tous les personnages prennent à un moment ou à un autre une mauvaise décision dans le seul but d’étirer la saison et de remplir le contrat. Le rythme souffre énormément dans sa deuxième partie, et la conclusion, malgré la résolution de l’intrigue dans les deux derniers épisodes, manque de souffle. Plus dommageable encore, les éléments fantastiques peinent à devenir concrets, autant visuellement que psychologiquement, et la tension vaguement revenue ne suffit pas.

Passée une installation bien menée, une caractérisation des personnages efficaces et un mystère envoutant, la mécanique de Jordskott ronronne trop rapidement. À force de ne pas vouloir montrer ses créatures surnaturelles pour laisser planer une menace invisible la série est finalement incapable de sortir d’une trame policière qui pourtant laisser espérer plus. Reste une réalisation léchée, aux plans de forêts fascinants, où le brouillard et le lichen semblent grappiller au fur et à mesure les grands arbres suédois. Une belle promo pour le tourisme vert du pays, à condition de ne pas avoir peur des monstres…

Diffusée à l’hiver 2015 en Suède, Jordskott n’a à ce jour pas encore été renouvelée pour une saison 2. Elle est proposée du 12 mai au 2 juin 2016 à 20h50 sur Arte et sera disponible en DVD juste après.