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Séries The Thick of It : L’incontournable satire politique corrosive anglaise

The Thick of It : L’incontournable satire politique corrosive anglaise

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The Thick of It 3 - The Thick of It : L'incontournable satire politique corrosive anglaise

PeakTV - The Thick of It : L'incontournable satire politique corrosive anglaise À l’ère du Peak TV, Critictoo se lance dans un challenge « 52 semaines, 52 séries » en proposant une fois par semaine un retour sur une série terminée.

Dans les coulisses du gouvernement britannique, et tout particulièrement au ministère des Affaires sociales et de la Citoyenneté, résonne l’écho d’une insulte. Le terrible Malcolm Tucker (Peter Capaldi) est passé par là et a craché son puissant venin pour que tout le monde reste dans le droit chemin alors que chaque nouveau projet ou apparition publique est étudié au microscope par la presse et les électeurs. Et cela était hilarant.

Satire politique anglaise par excellence, The Thick of It est une création d’Armando Iannucci, l’un des hommes à l’origine du légendaire Alan Partridge. Il a donc récidivé en offrant au petit écran britannique une autre comédie mettant en scène un personnage qui est simplement devenu mythique, Malcolm Tucker.

Néanmoins, cela serait réducteur de résumer ce mockumentaire à sa plus grande réussite, aussi gigantesque et iconique qu’elle puisse être. Diffusée par BBC Four, puis BBC Two, The Thick of It est en effet devenue une incontournable dans le domaine de la comédie britannique durant la dernière décennie. Peu connue en France, probablement parce qu’il parait relativement impossible de lui offrir un doublage convenable à cause de son langage extrêmement imagé, elle proposa pendant 4 saisons une satire intransigeante de la politique britannique et de ses figures dominantes.

Tout commença donc en 2005 avec deux saisons, chacune se composant de 3 épisodes, qui nous entrainaient dans les bureaux du ministère des Affaires sociales (et de la Citoyenneté) dirigé par Hugh Abbot (Chris Langham). Celui-ci était du genre à être quelque peu désespéré, en plus d’être relativement dépassé par ce qui se passait autour de lui. Il tentait avant toute chose de suivre la machine politique, mais il se laissait bien souvent distancer, même s’il avait plus ou moins abandonné sa vie de famille pour se consacrer entièrement à son travail. Hugh est un personnage que l’on pourrait qualifier de brave, ce qui n’est clairement pas la qualité première qui est requise pour survivre au terrible Malcom Tucker.

Malcolm est donc The Thick of It. Il est son âme et son carburant. Il n’a pas besoin d’être présent pour faire son effet, car on sait – comme tous les protagonistes – qu’il interviendra à un moment ou un autre. Il est juste craint et cela influence toute la dynamique du show. Malcolm est l’homme de l’ombre, celui qui tient ceux qui sont sous la lumière des projecteurs dans le droit chemin tracé par le Premier Ministre. Il doit s’assurer qu’il n’y a aucun dérapage et que les ministres sont au diapason avec les décisions politiques du patron. Il est également chargé de contenir toutes les crises pouvant nuire à l’image publique du gouvernement. Un travail éprouvant, mais il possède l’énergie nécessaire pour accomplir sa mission. En tout cas, il en a définitivement assez pour crier des insanités à tout bout de champ. Son langage extrêmement coloré redéfinit les limites de l’insulte sur le petit écran. C’est sa façon de communiquer en quelque sorte et, quand il sourit et se montre avenant, c’est là qu’il faut vraiment avoir peur et partir en courant.

The Thick of It - The Thick of It : L'incontournable satire politique corrosive anglaise

Durant les deux premières saisons, Hugh tentait alors de garder la tête hors de l’eau et d’éviter de se faire virer par la petite ou la grande porte – comme ce fut le cas pour son prédécesseur qui est remercié dans la première scène de la série. Pour l’aider, il a à ses côtés Glenn Cullen (James Smith), son conseiller de longue date qui est souvent la voix de la raison que l’on n’écoute pas vraiment ; Oliver « Ollie » Reeder (Chris Addison), un jeune loup arriviste moralement inapte ; et Terri Coverley (Joanna Scanlan), la directrice de la communication du département qui est fonctionnaire et qui est dès lors la seule à rester en place peu importe ce qui se passe – tout comme Robyn Murdoch (Polly Kemp ) qui apparait régulièrement.

Avec seulement six épisodes qui se montrent assez homogènes, les deux premières saisons installent de bonnes bases pour l’humour de la série qui repose majoritairement sur les dialogues et sur les personnalités des différents protagonistes. Cela dit, BBC Four n’a pas vraiment un gros budget et cela se ressent par moment, avec des personnages qui tournent un peu en rond. Enfin, c’est surtout apparent quand on découvre la suite du show qui fut diffusée sur BBC Two.

En 2007, The Thick of It fait donc son grand retour triomphal sur la seconde chaine. Il ne s’agit pas réellement d’une nouvelle saison, puisqu’il est question de deux épisodes spéciaux de 1h chacun. On y suit 24h au gouvernement, avec des évènements inspirés par la réalité (comme cela est souvent le cas, mais là il n’y a pas besoin de s’y connaitre en politique britannique pour apprécier ce qui se passe). Avec un rythme survolté et un désastre à éviter, Malcolm joue ses cartes finement pour s’assurer un avenir, car cette fois-ci, son poste est également dans la balance et cela fait clairement monter les enjeux. C’est aussi l’occasion d’étendre l’univers du show, puisque si Hugh est absent, en voyage en Australie, nous côtoyons à présent des membres de l’opposition qui s’installent à une place de choix de façon à étoffer le petit monde politique de la série et, surtout, son potentiel humoristique.

Cela se retrouvera pleinement dans la troisième saison (de 8 épisodes cette fois) qui fut diffusée en 2009 – toujours sur BBC Two. Un changement de Premier Ministre s’accompagne d’une réorganisation de tout le gouvernement et cela nous introduit Nicola Murray (Rebecca Front) – que les habitués du travail d’Armando Iannucci reconnaitront. Nicola remplace Hugh, mais elle n’est pas là pour nous resservir le même type d’humour. Elle a une personnalité plus affirmée et encaisse les agressions verbales de Malcolm en sachant qu’elle n’a de toute façon pas le choix. Elle lui tient tout de même tête quand elle le peut et elle se bat pour faire passer ses projets personnels, ce qui nous offre un aperçu plus profond de la jungle qu’est l’administration publique britannique. N’oublions pas que la série est une satire. En tout cas, Nicola possède une énergie bien à elle qui est alimentée par son optimisme autant que par son désespoir – sa famille participant beaucoup à ce dernier point. Il faut dire qu’elle doit encaisser des coups de tous les côtés et ses victoires, même petites, semblent ainsi bien grandes.

Cette troisième saison est donc celle de l’avènement de Nicola, mais elle est surtout caractérisée par la chute de Malcolm Tucker. Durant la deuxième partie de la saison, on le voit sombrer petit à petit, ce qui poussera la série à adopter un style légèrement différent, presque dramatique. L’approche est quelque peu déconcertante à un certain niveau, mais il est appréciable de constater que les scénaristes n’ont pas peur de sortir de leur zone de confort pour le bien de l’histoire.

The Thick of It 2 - The Thick of It : L'incontournable satire politique corrosive anglaise

La quatrième saison ira d’ailleurs encore plus loin dans ce sens en optant pour une structure narrative inédite en suivant une fois de plus la mouvance de la politique britannique avec une coalition. Armando Iannucci et son équipe ont choisi d’installer une alternance. Un épisode sur deux, nous changeons de camp. Cela est un peu déstabilisant au premier abord, mais les deux côtés s’affirment immédiatement avec des dynamiques et un humour qui diffèrent autant qu’il est efficace. Bien entendu, c’est en présence de l’inimitable Malcolm Tucker que l’on se sent le plus à l’aise, mais Peter Mannion (Roger Allam), Stewart Pearson (Vincent Franklin) et les autres ne sont pas en reste, surtout qu’ils sont accompagnés par Glen et Terri, deux figures majeures de la série qui sont au sommet de leur forme.

Définitivement différente des précédentes, cette saison 4 nous confirme qu’en dépit des années et des changements politiques, The Thick of It n’avait rien perdu et faisait encore preuve d’une efficacité diabolique, tout particulièrement au niveau de ses dialogues qui fusent toujours dans tous les sens tout en restant les plus affutés possible. Tout le monde tire sur tout le monde, mais certaines cibles sont simplement meilleures que d’autres. Dans ce registre, Terri atteint des sommets, notamment dans la seconde moitié de la saison. Celle-ci contient par ailleurs un épisode un peu à part, puisqu’il est double et se concentre sur une commission d’enquête consacrée aux fuites d’informations au sein du gouvernement et sur la culture qui les permet – un moment d’anthologie.

Plus explicite que jamais, The Thick of It s’en prend alors au grand cirque politique qui lui sert d’inspiration, ne se gênant pas pour exposer les comportements et les techniques les plus douteuses utilisées par ceux qui détiennent le pouvoir. Le tout finira par une condamnation en bonne et due forme qui n’est au final qu’un simple passage de relais, car c’est le jeu qui veut ça.

Cette série est ainsi l’exemple parfait de la comédie survoltée qui ne s’égare pas, restant pertinente et intelligente autant qu’elle parvient à faire rire. Réellement maitrisée d’un bout à l’autre, elle s’est amusée de la politique anglaise avec cynisme, mais sans pour autant noyer totalement ses ponctuelles pointes d’optimisme qui auraient pu se perdre dans sa propension aux excès verbaux agressifs.

The Thick of It aurait clairement pu se faire avaler par ce monstre qu’est Malcolm Tucker. Il aurait certainement pu continuer à tyranniser tous les politiciens qui croisaient sa route pour le simple plaisir de pouvoir le faire et la série aurait délivré les rires que l’on attendait. Néanmoins, sans jamais jouer la sécurité et sans perdre de vue un instant son propos, Armando Iannucci a tenu en laisse sa création la plus machiavélique et nous a offert un chef d’œuvre de la satire aussi intelligent qu’hilarant.