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Bilans de Saisons Le Bureau des Légendes Saison 5 : Les légendes ne meurent jamais

Le Bureau des Légendes Saison 5 : Les légendes ne meurent jamais

le bureau des legendes saison 5 - Le Bureau des Légendes Saison 5 : Les légendes ne meurent jamais

Ça y est, on a enfin eu le droit « d’en connaître », comme on dit dans le service. Malotru a-t-il été abattu par la CIA ? La DGSE a-t-elle laissé faire ? Lequel de Marie-Jeanne ou de JJA a convaincu Ponte de décrocher, ou pas, ce foutu téléphone qui nous a laissé en haleine il y a un déjà un an et demi ? La réponse, évidemment, va nous être donnée dans cette saison 5 de Le Bureau des Légendes. Oui, mais pas trop vite. Oui, mais pas tout de suite.

Jouer sur l’élucidation du cliffhanger de la saison précédente est l’un des ressorts narratifs les plus utilisés dans toute série à suspense, et l’un des plus efficaces s’il est bien servi. Le Bureau des Légendes se délecte de cette situation durant le premier épisode, laissant penser que la CIA a eu le champ libre pour se débarrasser du trop encombrant Paul Lefèvre. L’entame de cette saison 5 (la dernière pilotée par son créateur et showrunner, Éric Rochant)  laisse donc au reste des espions français le temps de vivre sa vie sans Debailly. Marie-Jeanne a demandé à retourner sur le terrain, JJA a pris la tête du bureau des Légendes, et Raymond est resté Raymond.

Parano à tous les niveaux

Mais la révélation dans la presse de cet « assassinat » va évidemment semer le trouble au sein de toute la DGSE. Qui est la taupe ? D’où vient la fuite ? Et surtout, encore et toujours, car l’article se contente du conditionnel, Malotru est-il mort ? L’intrigue concernant l’article de presse n’intéresse Rochant et son équipe que pour lancer le grand thème de cette saison : mettre les agents dans tous leurs états et installer une paranoïa géante. Le doute n’aura jamais été autant au cœur des enjeux du Bureau des Légendes. Tous les personnages, dans le sillage des révélations de cette supposée mort de Debailly, vont devoir affronter leurs certitudes et relativiser leur importance au sein des services secrets. Qui a eu le droit d’en connaître ? Pourquoi ceux qui n’y ont pas eu droit n’y ont pas eu droit ?

La disparition de Malotru va prouver, enfin, que mort ou vivant, sa légende n’a pas finie de tourmenter les agents de la boîte. Tous, à leur échelle, vont être affectés par la révélation de la presse. Le meilleur exemple en est JJA, pourtant à l’origine de cette situation. Sa personnalité complexe va se découvrir et le faire plonger dans son passé douloureux pour mieux faire remonter un présent incertain. Mathieu Almaric campe un personnage dont l’obsession vire à la folie, mais dont le penchant réaliste va le sauver in extremis. Autour de lui, ceux qui savent vont être eux aussi en proie au doute concernant sa capacité à diriger le service.

La paranoïa va infuser très largement la deuxième moitié de saison, et même des personnages secondaires vont  être mis à rude épreuve sur leur entourage. Sur le terrain d’opérations, la mort de Malotru va jusqu’à mettre en péril des agents, déboussolés par cet article et la fragilisation du service. Jonas, absent des cinq premiers épisodes, va même être au cœur d’un petit arc qui montre bien que les espions, même dans l’intimité, restent des espions.

Les espions qui s’aimaient

Et il est beaucoup question d’intimité et de sentiments. À l’instar de la scène d’ouverture de cette saison, on n’aura jamais vu autant nos héros faire l’amour. Plus que l’acte sexuel en lui-même, ce sont les corps qui vont être montrés, qu’ils soient entiers ou mutilés. Les cicatrices, psychiques ou corporelles, n’ont jamais été aussi visibles. Accentués encore plus par les deux derniers épisodes, réalisés par Jacques Audiard et qui ne manqueront pas de faire parler pendant longtemps par la différence de style affichée dans la mise en scène, la psychologie et les états d’âme des agents français sont passés au scanner d’Éric Rochant. En résulte une saison moins forte sur le plan géopolitique (tout l’arc de Pacemaker au Cambodge s’inscrit mal dans la continuité de la saison et la présence de Marie-Jeanne en Égypte ne sert qu’à la faire exister avant son retour au service par exemple) mais plus profonde sur le plan psychologique. On y parle de sexe, qui serait le révélateur d’un bien ou d’un mal-être chez les espions, d’abstinence (cette scène très drôle avec Marie-Jeanne), d’amitiés et évidemment d’amour. De ces histoires d’amour, qui finissent mal, en général.

Si l’on aimait le Bureau Des Légendes pour son aspect thriller contemporain, cette saison risque fort de ne pas être à la hauteur. Il est ainsi très frustrant de voir rayé purement et simplement plusieurs personnages importants et abandonné assez abruptement certaines intrigues dans les deux derniers épisodes. Mais il serait très réducteur de se focaliser sur ce qu’elle rate, et le choix narratif fort d’Audiard pour conclure cette saison permet de replacer des sensations brutes et des émotions qui pouvaient parfois manquer à l’ensemble. De ce final hautement allégorique et de l’incertitude qui plane pour l’instant sur un retour potentiel de la série, on ne peut en déduire qu’une seule chose : Du passé faisons table rase. Bienvenue dans le monde d’après.