Les Dieux sont parmi nous. Plus précisément, ils sont dans le monde d’American Gods, l’adaptation par Bryan Fuller du roman éponyme de Neil Gaiman. Ils sont donc présents, mais que veulent-ils ? Qu’on se rappelle qu’ils existent !
Tout du moins, c’est ce qui semble animer le mystérieux Mr Wednesday (Ian McShane), un Dieu qui voyage à la rencontre d’autres Dieux pour les convaincre de le rejoindre dans sa guerre contre les Dieux modernes qui les rendent obsolètes. Il ne fait pas cela tout seul, puisqu’il est accompagné par Shadow Moon (Ricky Whittle), un homme récemment libéré de prison qui vient de perdre sa femme et qui accepte de travailler pour ce qu’il croit être un arnaqueur légèrement excentrique.
American Gods est ainsi road trip à travers les États-Unis. Sa finalité n’est pas claire au premier abord. D’ailleurs, il est préférable de savoir de quoi il retourne avant même de se mettre devant le pilote pour espérer comprendre le minimum nécessaire. Bryan Fuller fait un travail déplorable pour exposer son histoire. Cela dit, il peut compter sur Ian McShane pour nous divertir suffisamment pour qu’on ne lui en tienne pas trop rigueur.
Malgré tout, il faut admettre que l’acteur ne peut pas tout faire tout seul, et les brillantes guest stars qui apparaissent ici et là ne parviennent pas toujours à l’aider autant qu’on aurait pu l’espérer. Nous sommes donc comme Shadow Moon. Nous l’accompagnons dans son voyage en attendant des réponses qui ne viennent pas assez vite. L’important dans American Gods, ce n’est pas que l’intrigue soit limpide. Non, ce qui compte, c’est qu’elle soit racontée avec style et, dans ce registre, la série n’est pas en manque. Bien au contraire, elle se noie dedans.
Avec des forts relents de la saison 3 d’Hannibal période italienne, de la musique à la mise en scène, cette première saison délivre de belles images, pose des ambiances intrigantes et nous propose un voyage pour les sens avant tout.
L’approche est séduisante, mais dans certaines limites qui sont rapidement atteintes. Heureusement, il ne faut attendre que l’épisode 4 pour que les scénaristes commencent à se ressaisir et à offrir un semblant de direction à l’histoire. Jusqu’au final, on ne nous donne pas vraiment toutes les clés pour comprendre où cela doit mener, mais on nous propose de quoi nous investir dans les personnages.
D’un autre côté, cette première saison d’American Gods n’était pas tant au sujet du voyage de Shadow Moon qu’à propos de l’histoire américaine. Plus précisément, avec chaque épisode qui nous raconte comment un Dieu est arrivé dans le Nouveau Monde, cette première saison nous dresse le portrait d’une nation d’immigrés.
C’est avec ces récits complémentaires sur ces voyageurs et leurs croyances que le show gagne en profondeur et donne de la force à son concept de base. Dans cet univers, un Dieu ne prend corps que si l’on croit en lui. La partie contemporaine de la saison est donc là pour nous évoquer la disparition de cultures éliminées par la société de consommation qui, au lieu de les propager, les pousse toujours plus proche de l’extinction. On en arrive alors au point où il serait pertinent de parler des dégâts du progrès et de la nécessité de se souvenir du passé tout en embrassant la nécessité d’évoluer, mais il n’y a pas assez d’épisodes pour vraiment s’intéresser à cela.
Après tout, il faut attendre le final pour que Shadow Moon finisse par comprendre ce qu’il se passe réellement. À ce moment là, il devient apparent que cette première saison d’American Gods ne fût qu’un prélude. Celui-ci aurait certainement pu être plus limpide dans sa partie exposition, mais il trouve sa force ailleurs pour gagner en pertinence et pour réellement intéresser et divertir. Les débuts furent incertains, la suite prit finalement forme et tout décolle au moment où cela s’arrête.
Espérons donc que la saison 2 parviendra à faire d’American Gods ce qu’elle pourrait visiblement être, un hommage au pluriculturalisme américain posé sur un récit dramatique divertissant d’une rare beauté. Les ingrédients sont là et, après ces huit épisodes, la recette commence à prendre, mais nous n’y sommes donc pas encore.
Publié en juillet 2017, cet article est aujourd’hui remis en avant à l’occasion du début de la diffusion de cette saison 1 d’American Gods sur Canal + Séries ce vendredi 22 juin 2018 à 20h50.