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Au service de la France Saison 1 : La Patrie est entre de bonnes mains

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Imaginez. Pendant qu’Hubert Bonisseur de la Bath (aka OSS 117) parcourt les rues d’un Rio qui ne répond plus dans le film de Michel Hazanavicius, les collègues de notre plus célèbre espion assurent la sécurité de la France. Et quelle France ! Puisqu’en 1960, année où se déroule la nouvelle série Arte Au Service de La France, l’Algérie et l’Afrique peuvent décemment et sans mauvaise conscience être appelées « territoires français ». C’est en tout cas le point de vue du Colonel Mercaillon, de Moïse, à la tête du bureau de Renseignements, mais aussi de Moulinier, Jacquard et Calot, la fine fleur de nos agents, la crème de la crème, l’élite. À eux trois, ils garantissent le rayonnement du pays dans ces provinces (forcément sauvages et indigènes) et comptent bien maintenir ce statut qui fait de la France ni plus ni moins que le plus grand pays du monde. André Merlaux, jeune agent idéaliste et encore non formaté à cette politique conservatrice et toujours très colonialiste, va être confronté à cette vision des choses qui va quelque peu le surprendre.

Il ne faut donc pas aller chercher plus loin pour voir le rapport entre les deux films OSS 117 et cette série, puisqu’ils partagent le même scénariste. Jean-François Halin a donc décidé de prolonger l’aventure de la comédie d’espionnage et de creuser un peu plus l’histoire pas franchement reluisante de la France coloniale. Si les films envoyaient notre meilleur agent en Égypte et au Brésil pour toujours plus d’exotisme, Au service de la France joue, contre toute attente, la carte de la comédie de bureau.

Aux renseignements français, un ordre de mission n’est valable que s’il a bien été tamponné (double tamponné même) par plusieurs services. Il y a également un « Code Taupe » pour démasquer un traître à la Nation. On n’apporte pas non plus d’objets extérieurs au service si le formulaire d’ « apport d’objets extérieurs au service » n’a pas été rempli préalablement… En faisant du système administratif français un boulet à la réforme globale, la série démonte le conservatisme qui habite le pays depuis une époque qui n’est finalement pas si lointaine et qui n’a pas vraiment évolué. Les hommes qui dirigent le bureau ou qui se voient confier les missions les plus prestigieuses s’érigent en garants de la morale et de la bien-pensance, réfutant le progressisme et très (très) attachés à leurs acquis.

Le jeune André Merlaux, nouveau stagiaire du service, avec ses idées naïves et sa vision moins rétrograde, incarne une fraicheur et des changements qu’il ne faudrait pas voir se réaliser. Au service de la France joue donc à fond la carte du décalage avec le passé, mais toujours pour souligner les trajectoires identiques de notre présent, à savoir une société totalement patriarcale, immobilisée par son système décisionnel et apeurée à l’idée de tout bouleversement.

La série fait du service de renseignements une organisation très franco-française, remplie de petits scribouillards procéduriers et bureaucrates, d’agents racistes, queutards et à la vision du monde complètement étriquée. Malgré les costards trois-pièces, les disques yé-yé, les mises en plis serrées et l’esprit 60’s bien présents, Au service de la France peut se voir comme un anti Mad Men par excellence, ou le pays ne rayonne déjà plus que pour lui-même…

La subversion du discours passe donc bel et bien par la comédie. Au service de la France est une parodie, c’est certain, mais une qui se veut réaliste et ne joue jamais sur l’anachronisme. Le langage, les décors, les coutumes, tout cela se veut bien représenté, mais bien qu’à la mode de l’époque, tout apparaît déjà désuet et ringard. Puis il faut voir le nombre de running gags (les chefs d’État africains attendant longuement pour leur indépendance dans le hall d’entrée du Service, l’établissement des notes de frais…) et de punchlines pour comprendre la portée comique de l’ensemble. L’ultime épisode se permet même – s’il fallait encore le prouver arrivé à ce moment de la saison – une envolée on ne peut plus actuelle, pourtant écrite et tournée avant le dérapage verbal d’une élue de la République :

Ça va durer encore longtemps cette petite mode de faire dire n’importe quoi au général de Gaulle pour justifier la moindre ânerie ?

Au Service de la France se montre pertinent et percutant, terriblement contemporain dans sa façon de croquer le passé. Le casting de relatifs inconnus aides à s’identifier facilement aux personnages et l’interprétation est parfaite, des agents détestables et pourtant attachants jusqu’à la secrétaire bien sous tous rapports. La série fait donc une fracassante entrée en matière, livre 12 épisodes spectaculaires composant une première saison inspirée, acide et provocante. Au service de la France rit de tout (parce que l’on peut) et surtout d’elle-même, et propose un vent de fraicheur rarement vu à la télé. De quoi, comme nos si chers agents, être fiers d’être français. Les colonies en moins…

La saison 1 d’Au Service de la France est diffusée tous les jeudis du 29 octobre au 12 novembre 2015 à 20h50 sur Arte – soit 4 épisodes par soirée. La série sera disponible en DVD et Blu-ray à partir du 4 novembre.

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