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Séries Frasier : Consultation psycho-hilarante en plusieurs actes

Frasier : Consultation psycho-hilarante en plusieurs actes

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Frasier - Frasier : Consultation psycho-hilarante en plusieurs actes

george popcorn - Frasier : Consultation psycho-hilarante en plusieurs actesEn cette période estivale, l’équipe de Critictoo profite du calme dans l’actualité des séries pour se tourner vers un sujet primordial : nos incontournables, ces séries à côté desquelles on ne voudrait surtout pas être passées et on ne peut que les recommander.


Après 11 saisons, la sitcom multirécompensée Cheers touchait à sa fin et la chaîne NBC songeait sérieusement à prolonger le succès colossal de la série en lançant un spin-off centré sur l’un des nombreux personnages du programme. C’est le psychiatre égocentrique Frasier Crane incarné par Kelsey Grammer (Boss) qui se voit proposer les honneurs d’une série bien à lui.

Je sens déjà venir en vous un commentaire auquel je vais m’empresser de répondre, non il n’est en aucun cas nécessaire d’avoir vu Cheers pour savourer pleinement Frasier. Il faut dire que les créateurs de la sitcom ont tenu à s’éloigner le plus possible de la série mère. Exit Boston où se déroulait Cheers et bienvenue à Seattle et son Space Needle.

La série créée par David Angell, Peter Casey et David Lee débute avec l’arrivée de Frasier à Seattle où il prend les commandes d’une émission de radio. Sa vie se voit chamboulée lorsqu’il accepte d’accueillir son père — incapable de vivre seul — chez lui. Les deux hommes se retrouvent obligés de cohabiter tant bien que mal, mais Frasier peut compter sur le soutien de son frère, Niles, psychiatre comme lui ; de Roz, la productrice de son émission ; et de Daphné, l’infirmière anglaise de son père.

Frasier déploie son récit dans une succession de séquences séparées par des cartons d’intertitres. Ces textes sont un moyen d’introduire les intrigues à venir et se révèlent souvent être peuplés de jeu de mots, ironiques ou décalés. Cette structure inchangée au cours des 11 saisons aurait pu s’avérer redondante, mais elle impose toute la singularité du ton de Frasier.

Cette spécificité scénaristique apporte une connotation très théâtrale, avec plusieurs actes tous liés par une thématique commune. Elle appose un cadre rigide qui n’empêche pourtant pas les scénaristes de s’amuser des nombreuses possibilités de ce format.

Au-delà de sa forme, Frasier est avant tout une série hilarante qui peut se targuer d’avoir su tenir sur la longueur (malgré deux dernières saisons un brin moins bonnes) et elle le doit principalement à ses personnages.

Frasier Crane est bien entendu le centre d’attention du show. Kelsey Grammer parvient à offrir une partition riche de nuances sans rechigner à multiplier les mimiques quand cela est nécessaire. Il compose un personnage génialement horripilant, il aime évoluer dans les sphères bourgeoises de Seattle et ne manque aucune occasion pour faire valoir sa supériorité intellectuelle. Son snobisme exacerbé trouve une résonnance chez son frère Niles, campé impérialement par David Hyde Pierce qui est une variante burlesque de Frasier. Les deux entretiennent une relation largement fusionnelle, même si l’association des deux ne fait pas toujours bon ménage.

Pour réellement fonctionner, la série avait besoin de trouver un contrepoids aux prétentieux frères Crane et c’est John Mahoney qui s’en charge en interprétant leur père, Martin. En totale opposition avec ses deux fils (qui ont hérité de leurs mères), il aime les choses simples et son fauteuil en piteux état où il peut se prélasser devant un match de foot. Ses répliques sont empreintes de cynisme et il se délecte de pointer les travers de ses enfants. Si sa relation avec eux est assez tendue au début de la série — il préfère son jack Russell, Eddie —, il va peu à peu tisser des liens avec ses fils et offrir quelques élans de tendresse aux spectateurs.

Ce trio de Crane est complété par Daphné, l’amour secret de Niles, dotée de don de vision, elle apporte une touche de folie à la vie de Frasier. Quant à Roz, elle est une célibataire multipliant les conquêtes, ce qui lui vaut souvent des traits d’humour de la part de Frasier.

De cette troupe, les scénaristes tissent une multitude de récits inhérents aux grandes thématiques de la sitcom : l’amour, le célibat, l’amitié, la mort, les rivalités… S’inspirant des divers genres de la comédie théâtrale, les scénaristes prennent un malin plaisir à multiplier les ressorts comiques tels que les quiproquos en s’appuyant sur l’alchimie de son casting et l’éclectisme de ses personnages.

Le réel génie de Frasier est dans son écriture. Si la série est dotée de quelques gags visuels efficaces, la majorité des rires provient de ses dialogues percutants, truffés d’humour fortement caustique, mais aussi peuplés de traits d’intelligence. Car derrière son apparence de série « bourgeoise », Frasier est une critique à peine voilée des classes aisées présentées comme étant en total décalage avec le réel et aimant se congratuler. De manière plus large, la série se savoure comme une satire s’amusant des travers de l’être humain.

Sa structure, son rythme, ses personnages et ses interprètes sont autant de choses qui s’agrègent pour former une série désopilante qui est dotée d’une réelle finesse d’écriture. Durant ces 11 saisons, Frasier aura su maintenir d’excellentes audiences tout en grappillant de nombreux prix — elle a obtenu cinq années consécutives l’Emmy Award de la meilleure comédie —, faisant d’elle la sitcom la plus récompensée de tous les temps.