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Séries Guerre et Paix : Le classique russe par excellence vu par le prisme anglais (Chérie 25)

Guerre et Paix : Le classique russe par excellence vu par le prisme anglais (Chérie 25)

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guerre et paix paul dano james norton - Guerre et Paix : Le classique russe par excellence vu par le prisme anglais (Chérie 25)

Malgré le fait que beaucoup de monde lit Le Trône de Fer, Guerre et Paix reste ce pavé de la littérature russe qui suscite une certaine dose d’anxiété autant par son nombre de pages (1572) que par sa place dans la culture. Bien qu’il n’y a que l’embarras du choix sur ce que l’on veut lire ou écrire, les classiques restent indétrônables, ces œuvres à explorer pour mieux comprendre l’histoire, notre culture actuelle et s’émerveiller (ou pas, tout dépend si on aime ou non).

Quoi de mieux alors qu’une adaptation pour familiariser tout un public à l’une des œuvres littéraires les plus importantes ? Guerre et Paix en possède déjà plusieurs, la précédente série remontant à 2007.

Pour porter à l’écran le roman de Léon Tolstoï, BBC One a – sans surprise – mis les moyens. Elle s’est d’ailleurs associée entre autres avec The Weinstein Company pour donner le jour à cette série télévisée au budget de 10 millions de livres pour 6 épisodes.

Guerre et Paix propose donc de nous plonger dans l’histoire de la Russie à l’époque de Napoléon Ier et de décortiquer les milieux aristocratiques du pays en plein tourment à travers l’histoire d’une large palette de personnages.

Tout commence en Russie en 1805. L’armée française napoléonienne a envahi l’Autriche et menace la Russie. Pierre Bezukhov (Paul Dano) est un aristocrate avec des vues politiques peu communes, soutenant l’empereur français. Son ami Andrei Bolkonsky (James Norton) est l’un des héritiers d’une des plus nobles familles russes qui recherche la gloire et l’avancement dans l’armée du Tsar. Natasha Rostova (Lily James) est une jeune femme d’une famille noble sans importance qui tente de trouver sa place dans la société.

Orienté vers les romances et les conflits familiaux, Guerre et Paix est un soap opera qui bénéficie de son esthétisme et de son contexte historique pour se démarquer. Derrière la caméra, Tom Harper se repose plus que nécessaire sur ses décors et ses costumes ravissants au point de suivre d’un peu trop près un carnet des charges propre au genre de la fiction historique britannique.

Quelques plans plus inspirés finiront par naitre, la scène du bal avec Andrei et Natasha étant l’un d’entre eux. Le réalisateur offrira également un champ de bataille immersif dans la dernière partie. Reste qu’on pourrait presque reprocher à Tom Harper d’avoir une approche technique un peu trop anglaise et de rater quelques belles occasions de transcender le récit en utilisant de manière plus importante l’héritage russe.

Avec seulement 6 épisodes, Guerre et Paix a aussi un temps restreint. L’intrigue ne peut se perdre dans des détours inutiles, mais l’adaptation d’Andrew Davies doit survoler des pans de l’histoire. Il en ressort un sentiment d’étrange superficialité qui est renforcé par le traitement qui se veut plus « sexy », empêchant parfois les questionnements émotionnels d’avoir une véritable portée. Natasha Rostova en souffre, son évolution manquant régulièrement de naturel avec des raccourcis qui ont tendance à créer des exagérations (particulièrement lorsqu’il est question d’Anatole).

Incarné avec brio par Paul Dano, Pierre Bezukhov reste sans conteste le personnage qui s’élève au-dessus du lot de par les réflexions plus philosophiques et psychologiques qui l’animent. À la recherche d’un bonheur difficilement atteignable en période trouble, prisonnier d’un statut social qu’il n’a pas voulu, Pierre cherche à donner du sens à son existence. Pendant un temps, chaque décision semble l’éloigner de sa vérité personnelle, mise à l’épreuve lorsque ses convictions sont ébranlées à tous les niveaux. Dano retranscrit à la perfection le tumulte émotionnel qui habite son personnage, ses faiblesses et ses forces, dissimulé régulièrement derrière la bonté simple du personnage. Proche de lui, Andrei Bolkonsky se présente parfois comme une extension des problématiques qui sont soulevées par Pierre, avec un regard plus froid. S’il possède ses moments, il manque à l’arrivée d’une certaine intensité.

Il faut en vérité se tourner vers des figures plus ou moins secondaires pour obtenir des performances notables, entrainant dans leur sillage une réflexion plus poussée sur leur place dans la société et cette guerre qui se joue. Dans la peau de Marya Bolkonskaya, Jessie Buckley est une révélation, tout en sobriété et modestie. On peut également s’arrêter sur l’évolution de Fedya Dolokhov, avec Tom Burke parvenant à le rendre autant détestable que touchant lorsque le moment le requiert.

Andrew Davies scénarise ainsi une adaptation de Guerre et Paix qui déroule un récit fluide et entrainant, enchainant les évènements sans avoir forcément l’opportunité de s’y arrêter convenablement. Par manque de temps, il reste trop souvent à la surface, offrant un traitement rudimentaire à un classique connu pour ses réflexions philosophiques.

Guerre et Paix se révèle être une série élégante et étrangement peu exigeante qui se suit sans déplaisir, mais laisse plus que sur sa faim. Cela a au moins le mérite de donner clairement envie de (re)plonger dans l’œuvre de Léon Tolstoï.


Déjà publié par le passé, cet article est remis en avant à l’occasion de la diffusion de cette mini-série sur Chérie 25 depuis le samedi 19 septembre. A noter que vous pouvez la commander en DVD & Blu-Ray.