Aller au contenu
Séries Insecure Saison 2 : Gnothi seauton (connais-toi toi-même)

Insecure Saison 2 : Gnothi seauton (connais-toi toi-même)

  • par
  • 4 min read

Insecure Saison 2 - Insecure Saison 2 : Gnothi seauton (connais-toi toi-même)

La promesse de la première saison d’Insecure qui était de proposer un point de vue de la femme américaine pas encore trentenaire secouée par une bataille intérieure et une frustration constante se poursuit dans cette saison 2 à trois volets.

Trois volets pour trois personnages sur lesquels se centrent la narration et qui illustrent une nouvelle fois ce supplice de Tantale 2.0 qui semble la maladie du siècle depuis l’outre-Atlantique jusqu’aux rives de la Manche. Pour se guérir ou atténuer le mal, le choix de Lawrence (Jay Ellis), Issa (Issa Rae) et Molly (Yvonne Orji) se porte sur l’expérimentation de ce qui leur est inconnu, tel une quête de soi parfois maladroite. Mieux se connaître pour diminuer la frustration ?

Les expériences de Lawrence d’un côté et celles de Molly et Issa de l’autre mettent également en lumière le discours féministe d’Insecure qui consiste ici à dénoncer une réception inégale des comportements féminins et masculins. Du sexe, il y en a beaucoup dans cette saison, mais tout l’intérêt c’est que ce n’est jamais gratuit, et que ces scènes nous rappellent que, dans bien des situations, si les femmes sont libres, le jugement perdure. Il n’est tout simplement plus mortel ou excommuniant.

Cette ligne scénaristique fil rouge est l’une des plus réjouissantes, car elle interpelle de manière intimiste, facilitant l’identification et une réflexion collective. On pourra regretter que le même soin ne soit pas appliqué à l’écriture des difficultés rencontrées par une femme dans le milieu professionnel — sujet très survolé malgré un premier épisode engageant. Peut-être est-ce là pour rappeler qu’Insecure semble pour le moment se diriger vers la comédie à axe romantique plutôt que sociétal.

Ces expérimentations portent-elles leur fruit ? Plus ou moins. En dehors d’une très belle scène permettant à Issa et Lawrence de faire le point sur ce qu’ils ont été et ce qu’ils pourraient devenir, ce qui apparait comme une série de mauvais choix clôture cette exploration égotiste.

Si les huit épisodes de cette nouvelle saison se savourent grâce à une écriture enlevée, une Issa Rae virtuose dans sa capacité à nous transmettre son inconfort et ses hésitations perpétuelles, Insecure n’en est pas moins dénuée de défauts. Le premier, notable, qui se ressentait déjà dans la saison précédente, demeure ses personnages secondaires utilisés comme de simples supports scénaristiques. Afin d’éviter l’effet sitcom ou websérie, le programme gagnerait à approfondir le caractère des amis satellitaires avant qu’ils ne deviennent qu’énervants, de même pour les collègues d’Issa.

Le deuxième problème d’Insecure, c’est cette volonté d’aborder certains maux sociétaux comme la gentrification ou le racisme insidieux et multicanal, et cela sans maturer le sujet, en coup de vent ou pire, avec des touches un peu caricaturales et convenues. On a envie de dire : mais encore ?

En conséquence, on finit par s’interroger sur la réelle volonté des showrunners de faire d’Insecure une série engagée. Le show est-il forcément politique parce que le casting est majoritairement composé d’acteurs noirs, et les personnages premiers principalement des femmes ? Rien n’est moins sûr mais cela dépend peut-être du point de vue, le public français et américain ne percevant pas de la même façon la peinture générationnelle de la série. Une Insecure à la française est-elle d’ailleurs possible (et acceptable) ?

Au final, ce qu’il faut retenir c’est que le discours d’Insecure qui perdure dans cette deuxième saison est surtout une exposition de l’expérience de la société américaine par une jeune Afro-américaine. Ce qui s’avère captivant, c’est que même si les codes changent sensiblement d’une communauté à une autre, que les ressentis diffèrent, au fond, l’exposé est avant tout américain, très proche d’un Girls de Lena Dunham, et offre une vision des États-Unis multidimensionnelle qui peut aider à mieux comprendre les rouages sociétaux de ce pays.

C’est donc une deuxième saison qui ne déçoit pas grâce à des acteurs principaux auxquels il est facile de s’identifier, une jolie écriture et de l’humour toujours au rendez-vous. Cependant pour garantir un futur intéressant à Insecure, il est important de transformer l’esquisse des personnages secondaires en véritable portrait et d’approfondir les sujets sociétaux afin d’assumer ce regard critique qui plane depuis seize épisodes sur la société américaine avec des dialogues plus élaborés au lieu de simples désignations.

Étiquettes: