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Les Hommes de l’ombre : Président(e) à tout prix

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les hommes de lombre - Les Hommes de l’ombre : Président(e) à tout prix

Alors que le président de la République vient de décéder suite à un attentat lors d’une visite d’usine, le pays a 35 jours pour se préparer à une élection anticipée. Simon Kapita, ancien conseiller en communication et ami du défunt président, découvre qu’un mensonge d’État va servir d’argument de campagne au premier ministre. Il décide alors d’engager la bataille en demandant à Anne Visage, ministre des Affaires sociales, de se lancer dans la course.

Écrite par l’auteur Dan Franck et Régis Lefebvre, un ancien « homme de l’ombre » de l’UMP et de l’UDF, France 2 propose avec Les hommes de l’ombre un genre relativement peu exploité à la télévision française : la fiction politique à suspense. Le mot « thriller » serait un brin trop fort pour décrire ces six épisodes, mais la série réussit cependant à ménager ses effets durant tout son déroulement, soit une histoire d’élection anticipée avec complots, rendez-vous nocturnes, dossiers secrets, doutes et beaucoup, beaucoup de manipulation. Une semi-réussite qui méritait cependant d’être saluée par sa volonté de jouer sale tout en dépoussiérant le mythe du politique.

La série s’ouvre donc sur un choc : l’attentat contre le président de la République. Évidemment, parmi la panique et la détresse commence à se nicher les premières stratégies, puisque le chef du gouvernement, Philippe Deleuze, semble avoir les dents qui rayent le parquet. Une ambition déjà démesurée qu’il se gardera bien de taire avant de connaître l’état de santé du président. C’est là que le récit offre sa première bonne surprise : en se « débarrassant » du chef de l’État, la série propose une situation inédite en terme de fiction, et de fait un terrain de jeu infini pour ses développements. La seconde bonne idée est que l’affrontement ne se fera pas entre Droite et Gauche tel qu’on pouvait l’imaginer, mais bel et bien entre deux membres d’une même famille politique. La gauche, relayée au second plan, laisse donc place à des batailles internes assez passionnantes.

Il faut dire qu’entre Anne Visage, modérée chargée des Affaires sociales, et Deleuze, plus à cheval sur la politique sécuritaire que sur les développements de l’enquête sur l’attentat, la tension est à son comble. Le spectateur se retrouve au milieu d’un combat de boxe,  qui se déroulerait dans des sous-sols ou dans des parkings souterrains plutôt que devant des caméras de télévision. C’est là qu’interviennent les vrais « héros » de cette fiction : les conseillers en communication.

S’il n’est plus à prouver qu’une campagne présidentielle se joue (au moins) autant sur un programme que sur la faculté du candidat à en parler et à le rendre lisible, Les hommes de l’ombre offre une vision particulièrement cynique de la politique, où, finalement, le Politique ne serait même plus invité au débat. De ce point de vue, le principal perdant ne sera pas le battu au second tour, mais bien l’électeur (et par extension, le téléspectateur). Un message plutôt noir et désabusé, qui ne manquera pas d’alerter ceux qui mettent en place les coups bas : Simon Kapita (pour Visage) et Ludovic Desmeuze (pour Deleuze).

Là aussi, l’idée d’organiser un combat parricide entre Simon (le père) et Ludo (le fils spirituel) révèle quelques perles d’immoralité et nous délivre un discours pessimiste et parfois atroce sur la mégalomanie et l’égocentricité de ces personnages qui sont bien les réels détenteurs du pouvoir.

Si le duel entre ces deux-là se montre captivant, il est par contre entouré de quelques fioritures assez inutiles. En premier lieu, la présence de Valentine se révèle insupportable bien vite. Le yo-yo que la jeune assistante effectue entre Simon et Ludo est fatigant, et son intérêt à ramener les problèmes d’un camp vers l’autre montre très vite ses limites. Idem, mais dans un autre contexte, pour Apolline, l’ex-femme de Simon, qui devient obsessionnelle trop vite. Les difficultés qu’elle rencontre pour faire éclater la vérité sont effectivement là pour débloquer le scénario, mais quand cela devient voyant à ce point, c’est un peu plus gênant. Il se dégage donc de l’ensemble de la série un certain machisme, prouvant bien que la politique et ses coulisses restent un milieu d’hommes, et que Les hommes de l’ombre n’aideront pas à faire bouger les lignes. Même Anne Visage, pourtant au cœur de l’histoire, n’arrive jamais à prendre le dessus sur ce qui se passe, et elle est contrainte de se laisser guider par les actions des mâles.

De plus, la série va afficher un manichéisme un peu trop systématique. Difficile de croire qu’un premier ministre, soit aussi peu secoué, par la mort du président, et qu’il ferme les yeux sur autant de détails un peu louches concernant l’enquête. Opposée à une Anne Visage incarnant un modèle de justice sociale et d’équité, il est pratiquement impossible de provoquer une quelconque empathie pour Deleuze. Et ce n’est pas son histoire personnelle, là aussi tirée par les cheveux, qui changera la donne.

Le récit des hommes de l’ombre sera en tout cas soutenu par une distribution de qualité, dans laquelle on retrouve Nathalie Baye, Philippe Magnan, et Adelatif Métalsi (Gendre, second rôle parfait, exploité juste comme il faut). Il est impossible de ne pas saluer plus particulièrement Fitoussi et Wolkowitch (respectivement Desmeuze et Kapita) qui font des merveilles dans un combat stratégique de haut rang. Le jeune loup contre le vieux singe, le schéma est classique, mais sa réalisation fonctionne comme pour la première fois. Wolkowitch en vieux briscard de la télé (PJ, de 97 à 2005, et des dizaines de téléfilms depuis) et Fitoussi, habitué aux rôles ambigus avec Engrenages, nous fascinent et nous troublent.

Les Hommes de l’ombre auraient pu offrir des intrigues plus resserrées et moins brouillonnes pour gagner en réalisme, mais la série fait cependant preuve d’une belle « démocratie d’esprit » en proposant une approche nouvelle et novatrice de la vie politique. Ces hommes (et femmes) ne seraient au final que des pantins dans les mains de quelques conseillers opportunistes et prêts à tout pour gagner. La série met aussi en relief d’une manière certes violente et parfois un peu forcée que la société dans laquelle nous vivons n’est finalement qu’un grand terrain de jeu, ne laissant alors qu’une seule conclusion possible pour le téléspectateur (et par extension, l’électeur) : Aux armes citoyens.

Les hommes de l’ombre est disponible en DVD depuis le 09 févrierir?t=critictoo 21&l=as2&o=8&a=B0065HDMIY - Les Hommes de l’ombre : Président(e) à tout prix