Jessica Jones, héroïne reconvertie détective privée suite à un traumatisme passé, tente du mieux qu’elle le peut de joindre les deux bouts dans la ville de New York. Seulement, quand une enquête la lance sur la trace de celui qui a ruiné sa vie, son univers pourrait bien imploser une nouvelle fois, à moins qu’elle ne décide d’agir et de mettre un terme au cauchemar.
Nouveauté Netflix qui vient agrandir un peu plus l’univers Marvel sur le petit écran, Jessica Jones apparait pourtant rapidement comme une série en marge de ce qui a déjà été fait autour des superhéros. Ce n’est pas tant au niveau de l’originalité du récit que cette création de Melissa Rosenberg se démarque, c’est avant tout dans sa façon de présenter son héroïne sans détour et surtout, en ne la définissant pas par rapport à un homme auquel on attribuerait volontiers tout le mérite.
L’idée n’est certainement pas nouvelle, mais il est rafraichissant de voir que le point de vue essaye de briser des codes bien ancrés dans la conscience commune pour prendre par surprise et délivrer une histoire qui parait neuve. À vrai dire, ce constat est d’autant plus renforcé par le fait qu’AKA Ladies Night s’évertue à présenter différents portraits de femmes. Ces dernières n’ont besoin d’aucun homme pour réussir, et cela non pas parce qu’elles revendiquent leur pouvoir, mais parce que le récit est écrit de sorte que les rôles soient inversés. Dans Jessica Jones, les hommes deviennent les accessoires de ces amazones modernes, ce qui apparait en plus comme un juste changement de statu quo.
Si ce parti-pris apparent contribue à délivrer un message résolument féministe, il permet également de donner un certain poids à son intrigue et à son héroïne. Jessica Jones – interprétée par une Krysten Ritter surprenante et inspirée – est une femme brisée par son passé qui se retrouve incapable de regagner la force qu’elle possédait, jusqu’au jour où sa moralité l’emporte sur ses peurs. Le fait est qu’il aurait été facile avec un tel matériel de laisser le stéréotype l’emporter, mais l’écriture est assez intelligente pour dépasser cette définition de sa personnalité. Le seul point noir est qu’AKA Ladies Night expose plus que nécessaire les faiblesses de son héroïne pour bien faire comprendre que le chemin vers sa salvation va être long et douloureux. Heureusement que l’ambiance Néo-Noir permet de justifier une bonne partie de cette constante répétition et ajoute une valeur certaine aux événements qui se déroulent.
Bien sûr, tout cela ne suffirait probablement pas si au-delà des thématiques avancées, l’intrigue était tout à fait banale. De ce côté, Jessica Jones parvient à tirer son épingle du jeu — malgré une certaine simplicité des enjeux pour le moment — en rendant cette quête de justice et de rédemption complètement personnelle. L’utilisation de l’Homme pourpre (David Tennant), en plus d’être naturelle pour coller à l’histoire du comics, apporte une profondeur inattendue au récit. Elle permet également une implication quasi immédiate alors même qu’il n’apparait pas encore de manière concrète au cours de ce premier épisode. Cela marche d’autant plus qu’il est rendu terrifiant par ce pouvoir auquel il semble impossible d’échapper et qui est dépeint de manière à être complètement anxiogène.
Finalement, ce pilote de Jessica Jones offre une ouverture intelligente et intrigante dans le monde le l’héroïne déçue. Il est vrai que la méconnaissance du personnage pourrait jouer en sa défaveur si le reste de la saison ne vient pas donner quelques explications quant à la femme qu’elle était, mais dans l’ensemble, la maitrise et la solidité du récit en font une véritable réussite. Il est certain que l’atmosphère oppressante et la noirceur sous-jacente de l’histoire puissent être des arguments répulsifs pour certains, mais Jessica Jones prouve définitivement être un univers qui mérite d’être exploré et décortiqué au-delà de ce qui est présenté. À présent, il ne reste plus qu’à découvrir si Jessica parviendra à vaincre ses démons avant qu’ils ne la consument complètement.