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Occupied : Jo Nesbø s’en prend brillamment à la politique mondiale

occupied saison 1 arte - Occupied : Jo Nesbø s'en prend brillamment à la politique mondiale

Un mois avant sa diffusion officielle sur TV2 en Norvège, Occupied, faisait déjà office de curiosité. La Russie – qui n’avait pourtant encore vu aucune image – dénonçait une campagne de dénigrement via cette fiction d’anticipation imaginée par l’un des maîtres du polar scandinave, Jo Nesbø. La raison de cette colère ? Le pitch. Dans une Norvège s’apprêtant à passer aux énergies propres et à fournir l’Europe entière grâce ce nouveau minerai, l’ancienne URSS, en accord avec l’UE, décide d’imposer au Premier ministre écologiste Jesper Berg une marche arrière forcée et un retour à l’exploitation de ce bon vieux pétrole. Puis, tout en le niant, la Russie va s’immiscer petit à petit dans les affaires politiques du pays. Malheureusement aussi, la série qui débarque sur Arte se révèle plus que jamais d’actualité et rappelle que la paix est une notion fragile, et que la liberté a un prix…

Le premier épisode d’Occupied ne perd pas une seule seconde pour exposer les enjeux de ce qui va suivre. Les vingt premières minutes, musclées et tendues, suffisent à installer intrigues principales, personnages et lieux. La série déroule en dix épisodes une vision très pessimiste de la société contemporaine, qu’elle soit norvégienne, européenne ou mondiale.

C’est en tout cas une sombre période que vit la Norvège. Elle est isolée, occupée (un vilain mot que Berg va tenter quelque temps de combattre, avant d’abandonner), et contrainte de renoncer à ses idéaux pour le maintien d’un statu quo économique qui n’intéresse que ceux à qui cela profite. L’occupation, thème vu et revu aussi bien dans les fresques historiques que dans la science-fiction, se voit ici dotée d’un traitement nouveau. Occupied ne réinvente pas le genre, mais en propose une vision contemporaine et réaliste de ce qu’un conflit entre nations occidentales pourrait donner aujourd’hui.

Si la Russie a donc semblé irritée d’être désignée comme l’ennemi avant même d’avoir vu la série, les créateurs Karianne Lund et Erik Skjoldbjaerg dessinent une carte du monde bien plus ambigüe que cela. Au travers des quelques apparitions du commissaire français de l’UE (joué par Hyppolyte Girardot), Occupied, par l’invasion russe certes, montre un système politique européen sclérosé, défiant à l’idée de ne plus être abreuvée en pétrole. C’est l’occasion de parler du pouvoir politique et des notions de renoncement inhérentes à ces fonctions. Élu sur un programme qu’il n’a pas une seule chance de pouvoir appliquer, Jesper Berg s’en tient à maintenir un pays et un peuple en vie, pour éviter la guerre et le chaos total quitte à sacrifier ses idéaux. La composition de l’acteur Henrik Mestad, à la fois désemparé, mais déterminé à conserver la souveraineté de son pays, est à ce titre tout à fait remarquable.

Autour de ce personnage central, la galerie de protagonistes se révèle extrêmement solide. Malgré certaines introductions faciles (un journaliste opportuniste et particulièrement chanceux, une ambassadrice russe qui ne cache pas ses motivations…) toutes ces trajectoires vont s’affiner pour devenir de plus en plus nuancées et traverser des zones grises bien loin de tout manichéisme. Wenche Arnesen, la chef de la sécurité de Berg, bénéficie pour son cas d’un développement fascinant. Passant de celle qui n’a pas grand-chose à perdre avec tous les clichés qui vont avec, pour finir la saison de manière déroutante et brillante, le personnage interroge sur de nombreux thèmes liés à la résistance et aux figures érigées en leaders.

Si le propos politico-économico-guerrier s’avère passionnant, la série n’oublie pas d’être un thriller nerveux. Par le point de vue d’Hans Martin Dupvik, garde du corps de Berg qui va être contraint d’opérer pour les deux camps, l’action n’est jamais loin, les chasses à l’homme s’enchaînent et les complots terroristes et tentatives d’attentat se succèdent à vive allure. Occupied est alors ce qui s’approche le plus d’un 24 Heures Chrono (toujours référence en la matière) européen, et se montre très ambitieuse dans sa réalisation quitte à user de son action man parfois un peu vite pour faire avancer ses intrigues. Gagner en efficacité ce qu’elle perd occasionnellement en subtilité, pas grave : la série est loin d’en manquer.

Pas besoin d’en dire beaucoup plus. Thriller d’action qui n’a pas oublié d’être intelligent, Occupied livre une critique audacieuse et provocante de notre modèle européen. Même les Américains (qui n’ont surement rien demandé), pourtant « gendarme du monde », en prennent pour leur grade dans le dernier tiers de la saison en prenant part malgré eux à toute cette agitation, puis en disparaissant brutalement quand leurs intérêts sont menacés. Le propos écologique, qui semble parfois oublié des scénaristes alors qu’il est le point de départ de la série, revient toujours ponctuellement dans les dialogues. Une approche opportune qui permet de rappeler les enjeux majeurs qui gravitent autour de ce sujet. En plus de diffuser une série diablement efficace, Arte, coproductrice, participe à sa manière à la conférence sur le climat de Paris, qui se tient évidemment en même temps.

Le final, spectaculaire et anxiogène, laisse sur un cliffhanger à la fois satisfaisant et haletant et dans l’attente d’une nouvelle saison qui aurait alors très fort à faire pour égaler celle-ci. Avec ces dix épisodes donc, nous voilà bien occupés…

Occupied saison 1 est diffusée sur Arte tous les jeudis du 19 novembre au 17 décembre à 20h50, avec une une sortie en DVD et Blu-ray dès le 27 novembre.