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The Old Shows - Saisons précédentes Autres Pays Platane : Eric Judor prend racine (Saison 2)

Platane : Eric Judor prend racine (Saison 2)

platane saison 2 - Platane : Eric Judor prend racine (Saison 2)

Exilé dans le Grand Nord québécois après ses (més)aventures hollywoodiennes, Éric se voit demander de revenir à Paris par son vieil acolyte Ramzy pour tourner « la Tour Montparnasse 2 : à l’aréoport ». Mais c’est surtout  la mort de ses parents qui va le contraindre à faire le voyage en France. Le retour aux sources d’Éric va réserver bien des surprises.

Suite de la série « méta » crée par Éric Judor et Hafid B. Bénamar. Après deux ans de gestation (période classique minimum de production d’une« Création Originale » de Canal), revoilà donc l’acteur/auteur mégalo dans nos contrées. Pourtant, il avait tout fait pour s’éloigner du tumulte du grand cirque médiatique français. Acteur dans une production américaine – douteuse — en fin de saison 1, nous retrouvons un Éric barbu et emmitouflé (un clin d’œil à Dexter Morgan et Walter White ?) au fin fond des plaines enneigées du Canada, perdu dans une tribu indienne. Combien de temps s’est-il déroulé entre ces deux moments ? Que s’est-il passé entre-temps ? Voilà deux des nombreuses questions auxquelles ne répondra pas la série. Et c’est, comme pour sa précédente saison, le problème majeur de Platane, pourtant tellement plaisante sur bien d’autres aspects.

En fait, en dehors de l’histoire qu’elle raconte, la saison 2 possède presque exactement la même mécanique que la première, qualités et défauts compris. On reprochait il y a deux ans un manque quasi généralisé de cohérence et de liens entre ses épisodes ? Aujourd’hui aussi. On adorait Platane pour son utilisation massive mais pertinente de guests ? Idem. Ce n’est ni meilleur, ni moins bon qu’avant, c’est juste identique. Et donc un peu fade et manquant d’originalité.

Pourtant, Éric sait désormais s’y prendre pour se mettre dans des galères impossibles et tout faire pour y rester. Ego surdimensionné, héritage culturel et social renié en tous points, capacité à dénigrer son prochain sans état d’âme… la liste est longue, voire infinie. Le co-créateur/co-réalisateur/acteur principal incarne avec toujours autant de brio l’abject, la méchanceté et l’arrogance. Le personnage, toujours aussi naïf et empêtré dans les problèmes qu’il se crée lui-même, reste définitivement la principale attraction de la série. Fils indigne, amant jaloux, beau-père lâche et ami infidèle, rien ne peut sauver Éric Judor, et c’est pour cela qu’on l’aime.

Avec cette posture d’acteur imbu et capricieux, Éric crée un sillon dans lequel vont s’engouffrer toutes les stars venues cachetonner, souvent avec talent. De Canet à Drucker en passant par Lanvin, le star-system s’en donne à cœur joie dans l’auto-parodie, mais toujours pour mettre Éric face à sa propre suffisance, l’Oscar du meilleur guest revenant à Michel « The Artist » Hazanavicius, en mode star américaine. À  l’inverse, le seul « mauvais » invité reste comme la saison dernière Ramzy, décidément mal servi par son vieux pote. Malheureusement plus utilisé mais toujours aussi énervant, les passages dans lesquels il figure sont au mieux prévisibles (l’affaire avec Diane), au pire d’une platitude extrême. Si sur le tournage de « La tour Montparnasse 2 » Éric a bien du mal à retrouver sa dynamique d’antan avec Ramzy,  il se trouve qu’involontairement, dans Platane, c’est la même chose.

Mais mieux que les stars, ce sont finalement les seconds rôles qui permettent à Éric d’élever son art. Sa relation avec Paul pendant la majeure partie de la saison puis celle avec Flex en fin de parcours vont insuffler une dynamique qui fait mouche à chaque fois. Dans la position de conscience morale, ils vont renvoyer le personnage dans les cordes de sa bêtise et de sa naïveté, sans pour autant le faire accéder à la rédemption ou à la maturité tant recherchée. Nathan Kassabi, 12 ans, interprète de Paul et promis à un bel avenir, offre le contrepoint parfait aux mauvais choix perpétuels de son beau-père. En faisant endosser le costume d’adulte à son fils, Eric trouve l’outil idéal pour se livrer tout entier à son personnage débile et enfantin auquel il cherche pourtant à échapper en permanence.

Le talent d’interprétation n’enlèvera cependant pas les défauts d’écriture. Manquant encore trop souvent de cohésion et refusant de se confronter aux éléments narratifs déjà installés, cette saison se hisse difficilement et laborieusement au-dessus de la précédente. Des progrès notables ont été faits, mais les actions d’Éric restent toujours autant impunies, ou alors cachées au téléspectateur via des ellipses trop longues entre les épisodes. Un défaut récurrent auquel on s’habitue malheureusement, contraint et forcé de suivre le personnage où il nous emmène, sans en savoir beaucoup plus sur la traînée de poudre qu’il laisse derrière lui. Sans parler d’une fin bâclée, possédant quelques bons gags mais qui refuse –encore une fois – de conclure ses histoires et de boucler la boucle.

Il y a quand même de quoi se régaler par endroits tant le niveau d’extravagance atteint parfois des sommets (le côte-à-côtisme, l’hôtel guadeloupéen, les sourds-muets,…) ; et Eric ne lâche jamais le morceau pour en rajouter des caisses à une situation déjà bien mal embarquée. Platane reste donc pour l’instant un OVNI dans la case des séries comiques françaises. Inclassable et attachante grâce à l’énergie sans limites que ses créateurs injectent en permanence, la série offre une ambiance festive et communicative. Malgré les incohérences temporaires et des délires vraiment trop foutraques, on a encore envie de savoir si Éric deviendra un jour un chic type. Ce n’est pas gagné, mais on sera là pour vérifier…