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Séries State of The Union : Brexit à l’amiable

State of The Union : Brexit à l’amiable

State of the Union Saison 1 - State of The Union : Brexit à l'amiable

Présentée en compétition à Séries Mania dans le programme courts, State of The Union est la plus récente création de Nick Hornby (Pour un Garçon, Haute Fidélité) et Stephen Frears (The Trip) qui met en scène Tom (Chris O’Dowd) et Louise (Rosamund Pike). Ce couple est en crise et on les retrouve toutes les semaines au pub en face du cabinet de leur thérapeute, autour d’un verre de vin pour elle et d’une pinte pour lui, pendant dix minutes.

Le couple de Louise et Tom va mal et la source en est de suite dévoilée : elle l’a trompée. Le premier épisode décortique alors leurs griefs (du moins les premiers), ce qui va ouvrir la boîte de Pandore des rancœurs et regrets que chacun peut avoir envers l’autre et envers la vie. Peut-on aimer quelqu’un toute sa vie ou, du moins, avec la même intensité ? L’union est-elle quelque chose qui mérite d’être sauvée plus que tout ? Chaque épisode va approfondir tout cela avec toujours plus de subtilité et d’humeur.

En dix pastilles, nous avons la trajectoire d’un couple somme tout banal, mais qui profite des discussions autour d’un verre pour nous en apprendre plus sur ce qui a fait d’eux “eux” à leur apogée et dans le revers qu’ils expérimentent aujourd’hui. Au fur et à mesure que les sessions se présentent, Louise et Tom gagnent en profondeur en tant qu’individus et en tant que duo sur le point de rupture.

Nick Hornby parvient à être sarcastique et émouvant dans son croquis d’un couple au bord de la crise de nerfs. L’un a fauté selon la morale établie (Louise a trompé Tom), mais les torts sont partagés ou du moins le mal est plus profond qu’il n’y paraît. Vivre à deux, puis en famille, est une équation difficilement solvable sur la longueur et la situation dans laquelle ils se trouvent l’expose parfaitement. Dans le cinquième épisode, marquant une certaine escalade dans leurs problèmes, Louise dit à Tom que la seule chose qui le sépare des autres personnes dans sa vie est leur vie sexuelle. C’est à la fois cruel et vrai.

State of The Union n’hésite clairement pas à mettre les pieds dans le plat, mais son écriture acérée et sobre, simplement posée lors d’une discussion au bar, permet d’alterner le léger et le grave avec un humour d’une précision incroyable.

Chaque épisode dure dix minutes, les dix minutes précédant leur rendez-vous chez le thérapeute, dix minutes de discours, de disputes, de dissections involontaires de leur mariage, dix minutes d’état de l’Angleterre. Parce que si State of The Union peut se lire “état du mariage”, c’est aussi “état du pays” et de son union avec l’Europe. Les nombreuses métaphores faites par Louise entre le Brexit et son couple ne sont pas anodines et vont droit à l’essentiel pour montrer à quel point il est difficile de s’accommoder avec quelqu’un malgré ses sentiments, ou de le quitter.

Ainsi, nous pouvons saisir plus que dans n’importe quelle autre série britannique jusqu’ici à quel point il s’agit d’un événement impactant les Britanniques jusque dans leur identité, leur capacité à faire communauté. Tout comme aux États-Unis pour ceux qui ont voté Trump, le YES au Brexit marque une fracture qui redéfinit les relations sociales, amicales et, ici, amoureuses. La comparaison est facile, mais sa réalisation et son efficacité n’étaient pas garanties et fonctionnent ici à plein régime.

State of The Union bénéficie d’une direction artistique de qualité lui permettant de s’élever au-dessus de la masse de programmes courts existants. Certes, Rosamund Pike et Chris O’Dowd sont assez connus pour attirer, mais délivrent des performances vraiment excellentes et partagent une alchimie (et un amour de l’apéro) communicative. Mais s’ils parviennent à briller ainsi, c’est surtout grâce au talent d’écriture de Nick Hornby qui a un sens du dialogue incroyable, capable de jouer avec le sujet le plus prosaïque et d’en tirer une métaphore politique ou tout simplement de délivrer la plus dure des vérités sur le couple sans faire dans la surenchère.

À ses côtés, complétant parfaitement le duo, il y a Stephen Frears qui réalise les épisodes. Leur apparente simplicité n’enlève pas une utilisation du champ/contre-champ intelligente, jouant également de la profondeur pour raconter plusieurs histoires, notamment avec ce second couple en thérapie dont Louise et Tom se moquent, mais sont un miroir plus ou moins déformé. La réalisation parvient à souligner ce qui se passe au sein de la crise, l’émotion et l’humour qui en résultent sans forcer le trait.

Au bout de l’heure quarante que dure cette première saison, nous avons l’impression d’avoir vécu longtemps avec Louise et Tom, de les connaître comme si nous étions à la table d’à côté, indiscrets, émus, hilares et interdits. State of The Union possède une force tranquille qui prend sans nous lâcher et qui, derrière son apparente inconséquence, peut marquer durablement.