On a longuement attendu le retour de la famille la plus pourrie des États-Unis, longtemps. Elle est revenue au mois d’octobre sur HBO pour une saison de neuf épisodes. Et vu l’attente et l’effervescence sur les réseaux sociaux, Succession n’a pas attendu de diffuser sa troisième saison pour être un phénomène.
Il y a deux ans, nous avions quitté Kendall (Jeremy Strong) alors qu’il venait de trahir son père (Brian Cox), plantant enfin le coup de couteau qu’il rêvait pour s’émanciper (en apparence). La famille Roy se met alors en ordre de bataille pour contrer les accusations du fils belliqueux et pérenniser l’empire médiatique et financier fortement menacé. Au milieu de tout cela, Tom (Matthew Macfadyen) fait face à un potentiel séjour en prison, Shiv (Sarah Snook) essaie de prendre du pouvoir tandis que Roman (Kieran Culkin) œuvre pour se faire une place près de son père et attiser son amour. Chaque personnage va passer les sept premiers épisodes sur l’échiquier judiciaire et familial qui se joue.
Contrairement aux deux premières saisons, les scénaristes de Succession choisissent ici une nouvelle approche plus frontale parce que les clans se dessinent entre Kendall et Roy, avec transfuges limités dès que chacun réfléchit à son gain personnel. Les épisodes liminaires se préoccupent de la mise en examen de Logan et la vendetta de son fils, laissant planer un doute sur la capacité du clan Roy à s’en sortir. Kendall tente d’attirer ses frères et sa sœur dans son camp, jouant sur la corde sensible ou le porte-monnaie, mais se heurtant toujours — sur le seuil de les convaincre — à la figure du père, incontournable et vampirique.
Très vite, on retourne à des considérations actionnariales et monétaires, la quête de pouvoir restant le cœur de cette saison 3 de Succession, le point de tension et de cristallisation des personnages. C’est d’ailleurs quand le personnel et le professionnel se mêlent que les Roy sont les plus détestables, prouvant que le business se fera toujours au détriment de l’humain. La relation que Roman peut avoir avec Gerri (J. Smith-Cameron) ou Lukas Matsson (Alexander Skarsgard) sera toujours sacrifiée sur l’autel de la transaction ou de l’accession à un statut plus avantageux. D’ailleurs, Logan gère sa famille comme un directeur des ressources humaines, un patron assoiffé de pouvoir où son profit personnel prime toujours sur les liens du sang.
Le comportement erratique des personnages et le peu d’actions des premiers épisodes de la saison s’expliquent une fois qu’elle arrive à sa conclusion. Les deux derniers épisodes mettent en exergue toutes les rancœurs, tous les coups bas, toutes les erreurs des personnages pour que chacun dresse un bilan de sa place dans cette famille et dans ce milieu, avec perte, fracas et colère.
L’exemple le plus tragique est celui de Kendall, pris entre le besoin d’être aimé (de son père, de ses frères et sœurs, de son ex-femme, de ses enfants, du public) et la dure réalité. Quand vient le moment de sa déchirante confession, il est déjà au plus bas, dans une famille qui lui a tourné le dos parce qu’il a essayé (à sa façon très particulière) de faire une bonne action. Si on pensait qu’il ne pouvait pas tomber plus bas, il le fait et c’est une fois au fond du trou qu’il trouve enfin un soutien inattendu, dans un moment de vérité pure, le premier de la série probablement. Cela agit comme un électrochoc pour Shiv et Rom, conjointement à une trahison du père, pour enfin se rebeller et vouloir briser le cercle.
Pour tous les personnages, cette saison 3 de Succession est une cuisson à l’étouffée, chacun rongeant son frein et ses rancœurs tout en avançant ses pions pour que tout explose à la fin, ne gardant que le sifflement perfide du père qui les a tous réduit en bouillie. Le dernier épisode révèle la recette de la saison et explicite alors les comportements, notamment celui de Tom, stratège pathétique, mais à succès. Les victimes sont alors les enfants qui voulaient uniquement plaire et s’intégrer à la famille. Shiv mettait un mouchoir sur ses principes pour survivre, Roman est assoiffé de pouvoir, mais aussi de la reconnaissance de son père, les deux s’associant enfin à leur frère pour peser, mais finissant au même stade à la dernière seconde : en charpie émotionnelle, en échec.
Il faut finalement souligner la maîtrise de l’écriture, parvenant en conclusion à réfléchir chacun des choix de la saison, qui viennent par ricochets s’expliquer dans un dernier épisode tellement puissant que l’on a de la compassion pour ces trois ordures. Les enfants Roy sont dans le Titanic depuis le départ alors qu’ils pensaient tous naviguer en eaux troubles, mais dans un yacht.
Si Succession paraissait faire du surplace dans les premiers épisodes, c’était en réalité une préparation à l’explosion émotionnelle de la fin de saison, montrant que la justice et la rébellion ne mèneront à rien, c’est celui qui a le pouvoir et l’argent qui vaincra. Malheureusement, et c’est inédit, les enfants Roy ne sont plus dans la course à la succession, ils en sont totalement écartés. Qui va hériter du père ? Réponse : personne. Jusqu’à la quatrième saison ?
Vous pouvez retrouver cette troisième saison de Succession sur OCS.