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The Americans a su se redéfinir pour devenir une excellente série.

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The Americans Saison 4 Paige - The Americans a su se redéfinir pour devenir une excellente série.

Attention spoilers, cet article revient explicitement sur un tournant clé de l’histoire de The Americans en saison 3 et sur certaines de ses répercutions en saison 4.

De l’extérieur, Philip (Matthew Rhys) et Elizabeth Jennings (Keri Russell) et leurs deux enfants ont tout de la famille américaine modèle des années 80. En réalité, les parents sont deux agents du KGB sous couverture, infiltrant les États-Unis pour collecter des renseignements pour l’URSS en pleine Guerre froide. Pour se faire, ils ont dû se construire de A à Z une identité, une existence, à commencer par leur couple, leurs enfants et leur vie sociale.

Lors des deux premières saisons, le plus gros défaut de The Americans résidait dans son incapacité à rendre les situations vécues pendant leurs missions par son couple d’espions dangereuses pour eux. Leur issue était plus que prévisible par la nécessité de maintenir leur identité secrète pour que le show dure le plus longtemps possible. Ainsi, la perspective d’être découvert ou de fuir n’a jamais été réellement mise sur le tapis parce que la sensation de danger n’était pas présente. La série empruntait alors de multiples détours pour continuer son récit sans en bouleverser les lignes principales, provoquant une certaine léthargie dans ce qui se passait devant nous.

De nombreux éléments introduits en saison 3 viennent pourtant opérer un changement dans cette morne dynamique. Avec l’introduction du pasteur Tim (Kelly AuCoin), le temps de présence plus important des agents américains et de Martha (Alison Wright), la seconde femme de « couverture » de Philip – sous l’identité de Clark –, les choses se compliquent drastiquement et The Americans parvient à les agencer de manière à ce que le danger prenne finalement corps. La double vie des Jennings entre plus que jamais en collision et cela est payant. Ce qui remet véritablement en cause le schéma de la série est que leur ainée, Paige (Holly Taylor) découvre la vérité sur ses parents.

Par cette révélation, The Americans expose enfin le secret d’Elizabeth et Philip, faisant se rencontrer concrètement pour la première fois la vie de famille et celle d’espions. Ces deux existences qu’ils tentaient de maintenir séparées ne font dès lors que se confronter, avec de plus en plus de force, notamment avec les questions légitimes de Paige. Qui sont réellement mes parents ? Que font-ils ? Pourquoi ? Et pour quelles conséquences ? Plus que d’être un simple vecteur à ces interrogations, la fille Jennings gagne alors de la profondeur à mesure que l’on explore ses dilemmes face à ce qui lui est dévoilé. Une fois qu’elle a choisi le camp qu’elle « soutient » en quelque sorte – non pas celui des américains ou celui des Russes, mais celui de sa famille –, le personnage prend du poids dans la narration, devenant un élément incontournable pouvant tout bouleverser à n’importe quel moment.

Elle est une menace parce qu’elle peut révéler à une tierce personne ce qu’elle sait de ses parents. Elle le fera d’ailleurs quand, alors qu’elle cherche son chemin ou une réponse en se tournant vers la foi, elle se confiera au pasteur de son église. En voulant se soulager d’un poids trop lourd à porter pour son âge, elle appose une épée de Damoclès sur sa famille. Le pasteur Tim, bien qu’il le dise à sa femme, ne brisera pas le secret, ce silence étant en quelque sorte plus dangereux que tout puisque les Jennings ne peuvent rien faire pour remédier à la situation.

La série opère un tournant dans le sens où l’imprévisible s’invite enfin dans la vie des deux espions. Plus que d’être tués pendant une mission ou découverts par Stan, c’est leur fille qui les met réellement en danger et qui leur fait peur. L’ennemi n’en est pas un, mais peut le devenir à n’importe quel instant.

The Americans parvient à donner corps à cette menace de manière subtile, renouvelant les enjeux des échanges familiaux. Paige bouscule le statu quo de l’apparente tranquillité de la famille modèle, redistribue les cartes en les poussant à tisser de nouvelles relations entre eux, à mi-chemin entre une méfiance naturelle – Paige envers ses parents quand le pasteur Tim disparaît, Elizabeth et Philip envers leur fille quand elle peut les dénoncer à n’importe quel moment – et une honnêteté devenue nécessaire et sans cesse réclamée par Paige sur les activités et les origines de ses parents. Elle aura un aperçu de tout cela et cela renforcera leur dynamique, l’impliquant de plus en plus dans le combat de ses parents.

Si la possibilité de faire d’elle un agent a été suggérée et vite écartée, Paige offre surtout l’opportunité à ses parents d’être enfin eux-mêmes, ce qui est particulièrement rafraîchissant. En posant des questions sur ses véritables origines, elle confronte Elizabeth et Philip sur leur mascarade et leurs convictions profondes. Les enjeux moraux de la série prennent ainsi du poids, tout ce qu’ils font ne se résumant plus au camp russe contre le camp américain. Paige se fait le pont entre ces deux cultures et fait ressortir chez les espions ce qu’ils ont gardé d’une, mais aussi accepté de l’autre. Cela a pour conséquence heureuse de nous donner de superbes dialogues à double tranchant où chaque mot soulève un nouveau point de vue, où chaque phrase peut renverser la vapeur d’un côté ou d’un autre pour les Jennings. L’enjeu n’est plus la mission d’espionnage, mais la survie de la famille et de ses apparences, ce qui permet à la série de ne plus prendre de détours pour délivrer ce qu’elle a à raconter – l’histoire d’un couple qui ne sait pas comment s’aimer dans un monde qui ne leur a pas appris à le faire – tout en rendant imprévisible la tournure des événements.

À travers la prise d’importance de Paige à partir de la saison 3, The Americans réussit à recentrer son message et ses intrigues autour de la famille Jennings, accédant enfin à un niveau de qualité qui mérite l’investissement dans la série. La mission des espions est plus que jamais intéressante parce qu’elle ne se résume plus à une composition binaire entre bien et mal, URSS et États-Unis, mais à une redéfinition plus profonde et complexe des relations entre les personnages et des dommages collatéraux que cela implique. On est désormais devant un show où chaque mot compte et peut faire basculer l’avenir, ce qui la rend aussi inattendue que subtile.