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Séries The Handmaid’s Tale Saison 3 : Une révolution qui ne prend pas (sur Amazon)

The Handmaid’s Tale Saison 3 : Une révolution qui ne prend pas (sur Amazon)

the handmaids tale saison 3 - The Handmaid’s Tale Saison 3 : Une révolution qui ne prend pas (sur Amazon)

La révolution n’est pas encore en marche dans The Handmaid’s Tale, mais June compte bien changer cet état de fait dans la saison 3 de la série Hulu. Pour se faire, la servante écarlate a choisi à la fin de la saison 2 de rester à Gilead, au lieu de s’enfuir pour le Canada, dans le but de libérer sa fille Hannah.

June n’a, au départ, pas le commencement d’un plan pour atteindre son objectif. Elle va donc avant tout agir avec une inconscience incroyable pour se rapprocher de son enfant, l’effleurer et voir ses rêves se briser pour émerger en une femme déterminée, multipliant les alliés pour mener sa révolution, frapper Gilead là où cela fait mal.

Initialement présentée comme étant une femme parmi tant d’autres, June devient une révolutionnaire au fil des épisodes, une figure symbolique prête à tout brûler sur son passage pour parvenir à ses fins. Les dommages collatéraux causés par June seront nombreux, la transformant en une héroïne qu’il n’est pas toujours aisé de soutenir. Un comble pour une histoire prenant place dans une terrifiante dystopie.

L’évolution de June est simplement desservie par une narration qui tire peu profit des choix égoïstes et souvent discutables qu’elle fait. Sa façon de mettre en danger autrui — et leur coûter la vie — sans que cela n’aide le récit à progresser participe à donner le jour à un sentiment de frustration au cours de cette saison 3 de The Handmaid’s Tale. On ne peut pas blâmer June de nourrir de grandes ambitions pour faire mal à Gilead, on peut lui reprocher une approche inconsciente et négligente poussant à se demander pourquoi les Marthas continuent à l’écouter. Sentiment accentué par le fait que, quoi qu’elle fasse, rien ne semble pouvoir atteindre June : elle est entourée d’un bouclier protecteur, et ce, jusqu’à la fin ou presque. Seul le dernier épisode cherche à nous faire croire que June serait en danger et pourrait y laisser sa vie.

Pire que tout, la réalisation de la série ne cesse de mettre en valeur tous les défauts de June. Les plans serrés sur le visage d’Elisabeth Moss deviennent légions et agacent au plus haut point. Beaucoup sont superflus et mettent l’accent sur un manque de subtilité tragique. June est en colère, June est vicieuse, June est fière d’elle, June est au bord du gouffre… June cache bien mal son jeu, intensifiant le fait qu’il est devenu illogique qu’elle soit tout simplement encore en vie à Gilead. Elle aurait dû être pendue il y a déjà un moment. Même si la servante est, un temps, mise à genou, son dangereux franc-parler finit toujours par refaire surface.

Les scénaristes auront en parallèle trop souvent préférer dire que montrer. Il en devient même agaçant d’entendre les Marthas célébrer June ou d’assister à une forme de passivité ou d’écrasement de la part de ses autres interlocuteurs pour pouvoir rendre plausible toutes les actions de la servante. Ajoutons à cela que l’équipe créative menée par Bruce Miller rencontre, depuis la saison 2, des difficultés à bousculer le statu quo. Cela leur demande bien des efforts d’accepter les changements émergeant des décisions de June. L’éloigner des Waterford n’a pas été une mince affaire et toutes les excuses sont bonnes pour les ramener dans l’entourage de June, au détriment de son nouveau Commandant, Joseph Lawrence (le toujours excellent Bradley Whitford). Ce dernier, pourtant présenté comme une figure majeure dans le développement économique de Gilead, occupe trop souvent le fond de l’écran, voire est tout simplement absent des épisodes.

Ce penchant à délaisser les nouveaux composants narratifs au profit des rouages bien familiers de la série définit cette saison 3 de The Handmaid’s Tale pendant trop longtemps. Au lieu d’explorer la nouvelle vie d’Émilie au Canada, on revisite les dilemmes moraux de Serena, et son comportement de toupie donne un temps le tournis. Au lieu de s’intéresser à Nick et à son passé qui aurait pu nous éclairer sur Gilead, les scénaristes optent pour un séjour à Washington qui veut nous offrir une vision plus glauque encore de cette République, mais qui n’enrichit que bien peu l’univers. Au lieu de creuser les revendications au Canada et le quotidien de Moira et Luke, on continue de voir Aunt Lydia traiter avec amour et haine ses servantes. Si le personnage méritait bien un épisode, celui-ci rend peu justice à la complexité de cette femme et au jeu d’Ann Dowd.

Dès lors, les évènements les plus marquants, choquants ou bouleversants n’ont pas l’impact voulu. La construction de l’histoire empêche une montée en puissance des gros enjeux. Il est difficile de ne pas avoir l’impression d’avoir perdu son temps lorsque le plan de June finit par prendre le dessus et donner une véritable direction à cette saison.

Cette saison 3 de The Handmaid’s Tale aura donc trainé des pieds, accentuant les problèmes ayant pris forme au cours de la saison précédente et se refusant pendant trop longtemps à prendre un quelconque risque narratif. L’ensemble aurait pu être du pur gâchis, mais la saison amorce finalement un virage au dixième épisode — sur treize. Sans se départir de ses défauts, la dernière partie insuffle une tension, offre quelques retournements de situations inspirés (surtout avec les Waterford et spécifiquement Serena) et entraine l’histoire dans une direction inédite. Arrivé à ce stade, qu’importe les incohérences (à commencer par la sécurité déplorable à Gilead), voir les choses enfin bouger est suffisant pour redonner un peu d’espoir en la série. Un fait bienvenu pour susciter un minimum de curiosité pour la saison 4 déjà commandée.


Un air de déjà vu ? C’est normal, cet article a déjà été publié en août 2019 et il est aujourd’hui remis en avant à l’occasion de la mise en ligne de cette troisième saison d’Handmaid’s Tale sur Amazon Prime Video. La saison est également disponible en DVD.