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Séries The White Lotus Saison 1 : Vacances pourries au royaume des blancs

The White Lotus Saison 1 : Vacances pourries au royaume des blancs

The White Lotus Saison 1 - The White Lotus Saison 1 : Vacances pourries au royaume des blancs

Une décennie après l’étrange et percutante Enlightened, Mike White revient sur HBO avec The White Lotus, une saison de six épisodes faite en urgence pendant le confinement. Elle suit de riches blancs en vacances dans un resort de luxe à Hawaï qui va être secoué par un meurtre, mais surtout par le comportement de ces privilégiés totalement à la ramasse.

Mike White a bien appris de ses erreurs et veut tenir en haleine son spectateur, ce que l’on a pu reprocher (à tort) à sa précédente production. Dès la première scène, il pose ainsi le décor : une semaine après l’arrivée des vacanciers, il va y avoir un mort. Cette astuce scénaristique se révélera peu payante en dehors de l’épisode final, les protagonistes n’ayant pas besoin de cela pour s’imposer.

On retourne une semaine avant et l’on suit l’arrivée de Shane (Jake Lacy) et sa toute jeune épouse Rachel (Alexandra Daddario), de la richissime famille Mossbacher (Connie Britton, Steve Zahn, Fred Hechinger, Sydney Sweeney) accompagnée de l’amie de l’adolescente (Britanny O’Grady), mais aussi de Tanya McQuoid (Jennifer Coolidge). Ils vont tous être accueillis au paradis par l’équipe, paradis dont Mike White veut vite nous faire comprendre qu’il va se transformer en enfer.

Dès lors, on veut nous montrer, souvent à gros traits, que derrière le vernis se cachent des êtres complexes, sombres, torturés. Si cela aide à installer les dynamiques entre les personnages, cela va vite se retourner contre eux, la plupart en devenant insupportables, Shane et les deux adolescentes en prime. Que ce soit l’argent ou la jalousie, on a compris dès le départ que le privilège ne fait pas le bonheur.

Pour illustrer cela au mieux, il faut alors se tourner vers Tanya, aidée par la prestation tout bonnement excellente de Jennifer Coolidge. Cette femme dysfonctionnelle, un peu gênante, au bord de la crise de nerfs dépeint très bien que l’argent (un héritage) ne fait pas le bonheur. La scène dans le cinquième épisode où elle explose face à un amant peu sensible épate et montre une facette plus subtile, autre que la satire caustique voulue par Mike White.

C’est vers elle et sa relation avec Belinda (Nathasha Rothwell), gérante du spa, qu’il faut également regarder pour voir en action les dynamiques racistes et sociales qui se veulent au cœur de la série. La première fait miroiter à la seconde un avenir professionnel bien plus intéressant, développant alors une relation amicale qui n’a pourtant qu’une fin inéluctable et étrangement réaliste : l’employée restera à sa place, déçue et coincée dans son rôle de subalterne, alors que son amie retournera à sa vie de faste, délestée du poids du deuil qu’elle porte et en paix avec elle-même.

Il n’est pas question de justice dans The White Lotus. Pourtant, on aurait aimé un peu plus de subtilité dans la mise en scène cruelle des échanges entre clients et employés. Pour preuve, la haine obsessionnelle qu’entretient Shane, ridicule de bout en bout, contre le maître d’hôtel Armand (Murray Bartlett), ne se mue jamais en catalyseur des rapports de domination que Mike White veut disséquer. Au contraire, on ne pousse jamais l’introspection jusqu’à la dénonciation des dynamiques de pouvoir, mais on utilise la bisbille enfantine de Shane plutôt pour entretenir le mystère du meurtre initié dans le premier épisode. Quand survient la fin, nous aurons simplement assisté à la cruelle descente aux enfers des employés et le retour à la normale (ou presque) des clients.

Le constat est le même lorsque l’on regarde la famille Mossbacher. S’ils passent tous par des phases de dépression, de doutes, de crises de couple ou d’adolescence, ils repartiront peut-être déçus ou éveillés à leurs propres désirs, mais pas vraiment amochés. Leurs atermoiements seraient intéressants dans un huis clos familial, mais paraissent ici dérisoires et pas vraiment passionnants. Il y avait bien un départ de feu avec Paula qui préfère trahir sa meilleure amie au nom de l’amour et de la justice, mais c’est finalement si peu exploité que les retombées en sont anecdotiques.

The White Lotus est bien plus intéressante si l’on ne l’avait pas regardée par le prisme des vacanciers, mais plus ou presque exclusivement du côté des employés. Là, la satire aurait été complète, peut-être plus méchante, plus grinçante, sûrement plus pertinente à l’égard de ce que Mike White voulait nous dire. Rachel, en newbie dans ce monde de requins inconscients, peut être intéressante à mesure qu’elle rencontre les autres personnages, entre désillusion et prise en main de son destin, mais on la cantonne trop souvent à cette femme passive, écrasée par son mari et qui n’explicite jamais ce qu’elle voit (alors qu’elle est journaliste !).

En soi, The White Lotus n’est pas une mauvaise série, elle soulève même des thématiques intéressantes et convaincantes par moments. Mais sa critique ne se révèle que sous certains angles, restant souvent lettre morte lorsque l’on s’attarde uniquement sur les riches vacanciers, explosant à la figure quand on accompagne les employés. Au-delà de sa mise en scène léchée, de son casting impeccable et de son générique enivrant, la création de Mike White ne mord pas grand-chose et l’on en vient à regretter son chef-d’œuvre précédent, plus incisif dans un autre registre.

The White Lotus est disponible en France sur OCS. Une saison 2 a été commandée.