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Trepalium sur Arte : Un travail de fainéant

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Bienvenue dans le futur de Trepalium. Notre futur. Celui où, comme l’immense majorité de nos compatriotes, nous serons sans emploi. Nous serons même 80 % de chômeurs. Nous serons pauvres, sales, affamés et contrôlés par des hommes et des femmes qui se trouvent de l’autre côté du mur, les 20 % restants. Eux seront en bonne santé, dans le confort de leur maison et de leur famille, et heureux. Mais ils devront peut-être trimer pour ne pas perdre leur travail, vivre dans la peur de se faire expulser de cette zone de confort, et être prêt à tuer (littéralement) pour gravir les échelons et garantir leurs acquis. Finalement, ils ne seront peut-être pas si heureux que ça.

Bienvenue également dans la nouvelle série d’Arte. La chaine franco-allemande propose aujourd’hui Trepalium, une fiction d’anticipation en six épisodes autour d’un seul mot : la torture, le travail. Oui, oui, un seul mot.

Pour les non-latinistes, rappelons que torture et travail partagent la même origine : Trepalium. Trois poutres qui servaient à contraindre, à immobiliser et, in fine, à torturer les esclaves. Difficile de faire plus subtil (!!!) pour aborder une société totalitaire qui a séparé le bon grain de l’ivraie et soumis à la pression de « la sécurité de l’emploi » les quelques âmes restantes.

La série créée par Antarès Basis et Sophie Hiet s’empare d’un sujet brûlant et polémique pour livrer une œuvre tiède et consensuelle sur une civilisation qui tombe, qui tombe, et qui ne se reconstruira que sur les cendres de l’ancienne. La métaphore est valable avec les différents empires historiques – le troisième Reich ou toute autre société ou régime basé sur l’autorité. Vous pouvez compter sur les résistants armés et prêts à verser le sang ; un gouvernement fermement hostile à tout changement ; des traitres à l’intérieur de chaque camp ; et des petites gens au milieu de tout ça, voulant sauve(garde)r le peu qu’ils ont durement acquis.

Sous couvert de produire une série futuriste, les scénaristes de Trepalium font comme si l’avenir qu’ils nous décrivaient était un futur d’il y a 30 ans. Ils ont ainsi opté pour le fameux style rétrofuturiste avec vieilles bagnoles, costumes gris, transparence des écrans et uniformisation du style de vie.

Outre la direction artistique, les personnages de la « zone » n’aspirent qu’à une seule chose : abolir le mur et sa symbolique dictatoriale pour accéder au bonheur du travail plutôt que de laisser une minorité supposément plus heureuse se débrouiller toute seule. La série fait fi des actions citoyennes et collaboratives, pourtant terriblement d’actualité, pour s’engouffrer dans un banal récit de résistance contre l’ordre établi. Rien de nouveau donc, la résolution des conflits passe une fois plus par la lutte entre deux camps. Les premiers sacrifiés seront évidemment ceux qui tentent de vivre en harmonie avec tous, laissant le champ libre aux visions belligérantes dominantes.

Sur le fond néanmoins, Trepalium n’accumule pas que les faux pas. L’histoire de Ruben Garcia, un « actif » et de sa fille, « mutique » et marginale, bénéficie d’un développement intéressant. L’impossibilité de certains enfants à s’adapter à ce monde qui ne favorise que l’excellence pose de très bonnes questions. Que doit-on faire pour rentrer dans le moule qu’on nous impose, et surtout, doit-on accepter de rentrer dans ce moule ? C’est l’une des rares thématiques qui n’aura pas de réponse toute faite et cela apparaît plutôt salvateur. Mais c’est loin d’être suffisant pour passionner tout du long. On s’ennuie donc la plupart du temps devant cette histoire, qui promettait un peu plus que cela.

Le principal problème vient de son « argument de vente ». Trepalium ne va finalement que très peu aborder la notion de travail. En tout cas, la série ne va pas du tout la réinventer. Travailler permet de contrôler les masses ? Check. Il faut montrer ses dents et être prêt à tout pour s’imposer ? Check. Ceux qui ne se soumettent pas sont mis au rebut ? Check. La série enfile donc les clichés sur la question sans montrer une résistance des zonards, qui ne semblent jamais s’interroger sur les solutions pour sortir d’une situation, qu’ils n’ont pas choisie. Cela donne un résultat anxiogène et sans humour, à peine cynique et bien trop premier degré.

Trepalium ne possède pas énormément de qualités pour plaider en sa faveur. Réalisation assez pauvre (on devine un manque cruel de moyens), scénario linéaire et sans surprises, intrigues secondaires inutiles, et surtout un discours sur un sujet de société manquant bien trop de mordant et de réalisme. Le jeu d’acteur est inégal, et si quelques épisodes délivrent quelques séquences bien senties (celles avec le personnage de Monroe par exemple), l’ensemble ne soulève jamais l’intérêt.

Arte ne nous avait pas habitués à cela. La chaine ne semble elle-même pas trop y croire, en expédiant ces six épisodes en deux soirées. Un mauvais signe pour une seconde saison, rendue possible par le final ? Si Trepalium est renouvelée, il faudra alors se mettre – sérieusement — au travail…

Trepalium est déjà disponible en DVD.