Aller au contenu
Séries Utopia : Quand la réalité rattrape la fiction ?

Utopia : Quand la réalité rattrape la fiction ?

utopia serie channel 4 critictoo - Utopia : Quand la réalité rattrape la fiction ?

PeakTV - Utopia : Quand la réalité rattrape la fiction ? À l’ère du Peak TV, Critictoo se lance dans un challenge « 52 semaines, 52 séries » en proposant une fois par semaine un retour sur une série terminée.

La fiction britannique se dote à l’occasion d’une approche que l’on pourrait oser qualifier de visionnaire.  Bien avant  Years and Years et après Black Mirror, Channel 4 nous avait proposé, dans cette lignée, Utopia. Créée et écrite par Dennis Kelly, cette série en deux saisons et douze épisodes diffusée en 2013-2014 est un de ces objets étranges qui prend de court et insuffle une énergie étrange et nouvelle au monde des séries.

Objet télévisuel singulier, Utopia a pour ambition folle – et réussie – de narrer la cavale d’un groupe de personnes qui ne se connaissent pas et ne partagent rien si ce n’est une passion commune pour un roman graphique appelé The Utopia Experiment. La recherche pour le tome suivant va se transformer en conspiration mondiale et hautement dangereuse avec peu de temps pour stopper ce que la bande-dessinée prédisait : un génocide d’une ampleur irréelle.

Tout bon thriller se doit d’avoir des mystères qui lui permettent de tenir sur la longueur et de capter instantanément son audience. La série s’ouvre sur une question et une inconnue, littéralement : Where is Jessica Hyde? Répétée comme un mantra, notamment par deux tueurs de sang froid, cette phrase marque le début d’une chasse au contenu assez particulier, à savoir le deuxième tome d’une bande-dessinée. Cependant, cela va mettre Curtis (Nathan Stewart-Jarrett), Becky (Alexandra Roach), le très jeune mais volontaire Grant (Olivier Woolford) et Arby (Neil Maskell) en fuite alors qu’ils se rassemblent autour de ce deuxième volet prophétique.

Tout au long des douze épisodes, ils vont rencontrer la fameuse Jessica Hyde (Fiona O’Shaughnessy) mais aussi autant de réponses que de questions au pourquoi ils sont pourchassés par de mystérieux assassins pour une chose qui paraît aussi simple mais qui se révèle être une sorte de code dévoilant une vaste conspiration médicale visant à réduire la population mondiale. Le récit se complexifie à chaque épisode et mêle constamment un propos sur la fin et les moyens que l’on peut accepter pour sauver le plus grand nombre.

D’une violence et d’une cruauté inouïe, parfois absurde, l’œuvre de Dennis Kelly nous demande quel degré de violence et de souffrance le spectateur est prêt à accepter. Cette violence mécanique, débarrassée d’affect, tout comme Jessica Hyde l’est après des années de fuite, va affecter petit à petit les personnages, complexifiant les notions de bien et de mal pour que le message passe clairement.

Le complot agit alors pendant deux saisons comme un labyrinthe extrêmement bien construit, avec des ramifications, des détours dans le passé, des impasses. Il s’inscrit également, et c’est là sa plus grande force, dans une réalité politique, économique et humaine si proche de la réalité que les problématiques nous paraissent aujourd’hui encore plus d’actualité. Il y a l’ennemi visible (les tueurs, la conspiration) et invisible (l’élaboration d’un virus sélectif), imposant alors un débat éthique essentiel : sommes-nous prêts à accepter le pire pour sauver l’espèce humaine ?

Chaque personnage va être confronté à un moment ou à un autre à un dilemme, une situation moralement complexe qui va les pousser à se confronter à leurs peurs mais aussi à la nature humaine. Cette fuite va révéler une violence systémique et une lutte des classes, où les riches ont les moyens de décider pour les pauvres. Si la déshumanisation à l’oeuvre des personnages peut enlever tout empathie, il n’en est rien au final car face au pragmatisme froid de la conspiration et des personnages, nous sommes obligés d’activer notre sens moral, notamment grâce à Becky et Grant, dont va émerger une très belle relation. Mais c’est aussi le chemin inverse qu’emprunte Jessica, passée d’une tueuse implacable et sans expression à quelqu’un qui va avoir quelque chose à perdre dans la bataille, ses nouveaux amis rencontrés.

Si Utopia reste en mémoire, c’est aussi pour une ambition visuelle indéniable. Sa manière de jouer avec la violence froide participe à une esthétisation qui peut rebuter mais qui a le mérite d’être faite avec un certain panache et de participer à l’ambiance de la série. Elle fonctionne vraiment comme une bande-dessinée, utilisant autant les formats (plan large, plan rapproché) que la colorimétrie pour mettre en scène son récit. Les contrastes sont là pour souligner autant le surréalisme de l’histoire que l’histoire elle-même.

Utopia est une série incroyable et singulière, qui happe le spectateur et ne le lâche qu’au bout des douze épisodes et de sa conclusion semi-ouverte. Bluffante à plus d’un titre, elle marque définitivement, autant sur la forme que sur le fond, la patte des grandes étant quand ces deux se rejoignent. Une vraie leçon et un plaisir brut.

L’intégralité d’Utopia est disponible en import en DVD ou à l’achat sur iTunes.

41zuoKZrp L. SL75  - Utopia : Quand la réalité rattrape la fiction ?
Price: 20,82 €
You Save: 6,03 € (22%)
small orange - Utopia : Quand la réalité rattrape la fiction ?
Price Disclaimer