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3 raisons de découvrir The Leftovers, une série qui ne ressemble à aucune autre par le créateur de Watchmen

The Leftovers Retrograde - 3 raisons de découvrir The Leftovers, une série qui ne ressemble à aucune autre par le créateur de Watchmen

Après Lost et avant Watchmen, Damon Lindelof était de retour et il y avait fort à attendre avec sa nouvelle création, The Leftovers, diffusée sur HBO (et OCS) entre 2014 et 2017. Adaptée du roman éponyme de Tom Perrotta (également co-créateur), la série délivre une tragédie dure à apprivoiser, mais d’une puissance émotionnelle surprenante, trente épisodes d’un voyage initiatique magistral, intense et qui fait date.

Le 14 octobre, 2% de la population mondiale disparaît sans explication, laissant derrière elle des parents, des amis, des familles incapables de faire leur deuil. Trois ans plus tard, à Mapleton, alors que la vie aurait dû reprendre son cours, personne a oublié les disparus et la population peine à se reconstruire du traumatisme. À l’approche de cérémonies de commémorations, les tensions s’exacerbent face à une secte aux revendications inconnues.

Pendant trois saisons, nous allons suivre entre autres Kevin Garvey (Justin Theroux) et sa famille dissoute se composant de Laurie, son ex-femme (Amy Brenneman), Jill (Margaret Qualley) et Tommy (Chris Zylka), ses enfants ; mais aussi Nora Durst (Carrie Coon), mère et femme seule suite à la disparition et qui va se rapprocher de Kevin. À travers le parcours de ses personnages, The Leftovers va interroger notre foi en l’homme, en Dieu, notre incapacité à vivre avec nous-mêmes et nos erreurs alors que nous naviguons dans la grande question qui traverse la série : que sommes-nous après que l’autre soit parti ? Et pourquoi regarder la série désormais en 3 raisons.

1. Une série désarçonnante et profonde

Il m’a fallu du temps pour adhérer à ce que The Leftovers voulait me dire (c’est-à-dire revoir la première saison une seconde fois) tant elle construit son récit et sa mythologie comme une métaphore du deuil. Habitué de Lost, il faut s’adapter un temps à cette histoire moins centrée sur son aspect fantastique que sur les répercussions que la disparition massive a eues sur ceux qui restent. Avare en rebondissements concernant son intrigue, la série se concentre plus sur ses personnages, profondément humains, car ils sont tous pleins de défauts. Pas de héros ici, seulement des personnes en proie avec un sentiment inexpliqué : le manque.

Concernant la disparition, Lindelof et Perrotta repoussent constamment son explication, l’histoire s’évaporant pour revenir nous hanter par touches sporadiques, par indices, hypothèses, fausses pistes. Le fantastique et le religieux qui sont autant de pistes explorées pendant 3 saisons sont surtout là comme paysage pour appuyer sur la douleur de ses personnages, à l’image de Nora, une femme qui a tout perdu et ne sait pas comment se reconstruire. Ce que sont devenus les disparus est ce qui conduit les personnages, mais pas l’intrigue.

Dans un univers aussi fragmenté que ses personnages, The Leftovers submerge par vagues d’émotions et par la banalité de ses moments ou ses élans mystiques.

The Leftovers Saison 2 - 3 raisons de découvrir The Leftovers, une série qui ne ressemble à aucune autre par le créateur de Watchmen

2. La lente reconstruction des personnages

The Leftovers est donc une série où l’on se perd, constamment. Âpre, il faut creuser sous l’écorce d’une première saison axée sur une secte aux motivations obscures et dont font partie Laurie et Megan (Liv Tyler), menées par Patti (Ann Dowd), pour découvrir l’incommensurable générosité que la série a en elle. Ses personnages sont alors de cette trempe ; il faut creuser sous le silence de Laurie pour découvrir une femme meurtrie et une mère perdue ; il faut accepter l’incapacité de Nora à dépasser l’événement qui l’a bouleversé afin de voir en elle un des meilleurs personnages de la télévision.

En déplaçant son intrigue dans une nouvelle location à chaque saison (Miracle, une ville qui n’a connue aucun départ en saison 2 puis l’Australie en saison 3), elle matérialise la désorientation de ses personnages, comme des objets à la dérive, incapables de se recomposer. Kevin en est le digne représentant. Père qui joint à peine les deux bouts, flic qui n’en a plus que l’insigne, faux prophète qui commence à y croire… Chaque personnage a en lui une blessure que la série nous propose d’explorer pour nous mener à son acceptation et sa guérison.

The Leftovers fait de son parcours un pèlerinage pour montrer la lente reconstruction d’un homme malade sans que l’on connaisse le diagnostic. Le récit principal et les intrigues qui en découlent sont alors là surtout pour faire le portrait de femmes et d’hommes ayant perdu un sens à leur vie et tentant de le retrouver dans la fuite en avant et des autres.

The Leftovers Saison 1 - 3 raisons de découvrir The Leftovers, une série qui ne ressemble à aucune autre par le créateur de Watchmen

3. Un concept fantastique fort, un message philosophique important

Sans vérité sur le manque qui s’est installé, la fiction prend alors le relais pour être la réponse à leurs errements. D’un ersatz de famille que Kevin et Nora tentent de reconstruire au récit biblique qui se construit autour du premier à l’aide de Matt (Christopher Eccleston), en passant par des histoires pseudo-scientifiques sur un au-delà où se trouveraient les disparus, les personnages cherchent une explication qu’ils puissent supporter, sans que celle-ci ne leur soit donnée (et à nous aussi).

Pourtant, toutes les pistes seront explorées, sans qu’aucune ne paraisse fausse ou être une réponse univoque. Si la série ne donnera jamais de réponse définitive, sa fin est une conclusion parfaite, à son image. Si nous croyons à ce qui nous a été raconté, alors c’est notre vérité et elle est tout aussi valable que celles des autres. À la recherche de ces êtres perdus, les personnages ont pu aimer à nouveau donc le voyage en valait la peine.


Ayant appris de Lost, Damon Lindelof fait une série de personnages plus que d’intrigues, privilégiant la métaphore à l’explication, la lenteur à l’action, notre propre interprétation à sa seule vision. Elle donne souvent la sensation de s’égarer, agace certains, peut paraître difficile d’accès, mais The Leftovers est une odyssée qui ne peut laisser indifférente et, comme le sont Mad Men ou The Sopranos, de laquelle on ressort avec un truc en plus, la sensation d’avoir vu et trouvé quelque chose qui compte, qui fait penser que la fiction a le pouvoir de nous apprendre sur nous-mêmes.