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Séries Escape at Dannemora : Une évasion audacieusement lugubre

Escape at Dannemora : Une évasion audacieusement lugubre

Escape at Dannemora miniserie - Escape at Dannemora : Une évasion audacieusement lugubre

À l’origine de la mini-série Escape at Dannemora se trouve un fait divers, l’évasion en 2015 de David Sweat et Richard Matt, deux prisonniers du pénitencier de Clinton, aidés par une employée de la prison avec qui ils entretenaient des relations sexuelles.

Les scénaristes Brett Johnson et Michael Tolkin se sont emparés de cette histoire pour peindre une toile lugubre, captant le désenchantement du rêve américain, tout cela sous la houlette d’un Ben Stiller inspiré.

Vous avez bien lu, cette minisérie de 7 épisodes, est entièrement réalisée par l’acteur et réalisateur Ben Stiller. Ce choix aussi inattendu qu’audacieux se révèle au fil des épisodes comme une évidence, finissant par s’imposer comme un coup de génie de la part de Johnson et Tolkin. Mais reprenons tout depuis le début en expliquant en détail pourquoi Escape at Dannemora est l’une des belles surprises de cette saison.

La trame narrative de la série est assez classique. On a affaire à un récit d’évasion avec toutes les étapes que cela implique : mise au point d’un plan, obtenir les outils nécessaires et surmonter les divers obstacles pour finir par la fuite a proprement parlé. Sur ce point, Escape at Dannemora épouse les contours d’un Prison Break upgradé que l’on prend plaisir à suivre sans pour autant provoquer un chavirement qualitatif.

Non, pour trouver la réelle force de la création de Johnson et Tolkin, il faut creuser un peu plus loin. Derrière l’apparence d’un récit d’évasion se cachent des ramifications astucieuses dont émanent un trouble fascinant. Tout d’abord, Stiller et ses scénaristes décortiquent ce microcosme qu’est la prison — avec son organisation, sa corruption et sa saleté — et captent progressivement les failles d’un système permettant aux deux compères, David et Richard, de se faire la malle.

À ce titre, Johnson et Tolkin ont recours à une écriture méticuleuse de ces deux personnages. Les 5 premiers épisodes occultent totalement leurs passés, on parvient à peine à savoir pourquoi ils ont terminé derrière les barreaux. Surtout, on nous fait adhérer à leurs envies de liberté. On se prend d’affection pour le visage tendre de Paul Dano, tout autant que pour l’expression artistique du personnage campé par Benicio Del Toro. Une fois dehors, la série sort des rails du récit d’évasion pour illustrer toute l’horreur entourant les deux hommes, nous faisant totalement basculer dans nos certitudes vis-à-vis d’eux.

Le travail le plus fascinant est celui réalisé autour du personnage joué par Patricia Arquette. En effet, le portrait de Joyce Mitchell écorne les stéréotypes, aussi manipulatrice que manipulée, elle apparaît tour à tour cruelle, minable et touchante. Tout cela est souligné par l’actrice qui injecte une réelle ambiguïté dans son rôle. Les regards, les gestes ou les paroles ne nous dévoilent jamais entièrement les motivations ou les émotions traversant celle qui aime se faire appeler « Tilly ».

Si la force de cette minisérie se cache dans son écriture, elle est largement épaulée par la réalisation d’un Ben Stiller bluffant tout du long. Le cinéaste s’empare du récit et parvient à imbiber l’image d’une opaque noirceur. Stiller maîtrise de bout en bout sa caméra et ses ambitions. Escape at Dannemora est visuellement audacieuse. Elle bénéficie d’abord d’un montage minutieux donnant une place importante aux instants musicaux, mais aussi de quelques belles scènes dont certaines dégagent une lugubre mélancolie — à ce titre, le plan séquence en forme de répétition de l’évasion qui ouvre l’épisode est magistral.

Au final, Escape at Dannemora est plus qu’un simple récit d’évasion, plus même qu’un simple fait divers surfant sur la tendance des séries True Crime. C’est un récit dense qui embrasse ses lenteurs et détruit les attentes.