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Séries Californication : Les hauts et les nombreux bas d’Hank Moody, auteur à la dérive

Californication : Les hauts et les nombreux bas d’Hank Moody, auteur à la dérive

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Californication Saison 2 - Californication : Les hauts et les nombreux bas d'Hank Moody, auteur à la dérive

PeakTV - Californication : Les hauts et les nombreux bas d'Hank Moody, auteur à la dérive À l’ère du Peak TV, Critictoo se lance dans un challenge « 52 semaines, 52 séries » en proposant une fois par semaine un retour sur une série terminée.

Au début des années 2000, Robert Greenblatt prit la tête de Showtime. Il avait été engagé pour diminuer l’écart qui s’était creusé avec HBO. Pour ce faire, il a fait savoir qu’il était prêt à offrir une grande liberté créative aux scénaristes. Cela attira des talents comme Jenji Kohan (Weeds), James Manos Jr (Dexter) et Tom Kapinos qui, comme Kohan, cherchait avant tout à s’extirper du carcan des networks afin de pouvoir créer quelque chose qu’il n’avait jamais vu à la télévision et qui lui ressemblerait. Cela donna Californication.

L’histoire se centre sur Hank Moody (David Duchovny), un écrivain new-yorkais à la dérive — librement inspiré par Charles Bukowski — qui se laisse avaler par Los Angeles. Il déteste la Californie, mais ne parvient pas à y échapper. À la place, il embrasse son nihilisme, abuse de l’alcool, du sexe et occasionnellement de la drogue. C’est un style de vie qui ne sied pas spécialement à un père de famille ni à une carrière fructueuse dans l’écriture.

Étrangement, tout ce qu’Hank veut vraiment, c’est écrire et être avec sa famille, Karen (Natascha McElhone) et leur fille, Becca (Madeleine Martin). Il pourrait changer et, au cours des 7 saisons qui composent la série, il essaya sans grand succès. Californication aurait alors pu être au sujet de sa quête de rédemption, de ses tentatives pour devenir un homme meilleur, mais cela n’est jamais totalement à propos de cela. Où serait l’humour là-dedans ?

Cynique, noyée dans le sarcasme, satirique et occasionnellement parodique, la comédie noire de Tom Kapinos ne pouvait pas réellement sauver Hank de son enfer californien, car il n’aurait eu rien d’autre à raconter. Le romancier est donc prisonnier dans ce lieu qui l’invite à bras ouvert, mais qu’il rejette aussi fortement que possible. Tout cela pour dénoncer la médiocrité du monde du show-business.

Hank n’est vraiment qu’un véhicule pour Kapinos qui lui offrit alors autant de carrières que nécessaire pour qu’il puisse s’attaquer à toutes les facettes de l’industrie du divertissement. Moody a été biographe de rockeur, scénaristes de télévision, parolier, consultant sur un film et même professeur. Il fit tout cela en compagnie de son agent et meilleur ami, Charlie Runkle (Evan Handler).

Runkle est toujours la chute de la blague qu’Hank essaie de ne pas raconter. Si quelque chose doit tourner au ridicule, c’est sur lui que cela doit tomber. D’une certaine manière, il voulait avoir le talent d’Hank, son physique et son succès avec les femmes, mais n’a rien eu de tout cela, ce qui ne l’empêche pas de chercher à avoir un bout de tout ce qui vient si facilement à son ami. Ce dernier n’appréciant même pas tout ce qu’il peut avoir, il y a quelque chose de terriblement pathétique à voir Runkle essayer de marcher dans ses pas. C’est le but, car c’est ainsi que Kapinos dénonce la hiérarchie au sein du show-business californien et son absurdité la plus totale.

Le scénariste a visiblement des comptes à régler, mais cela ne fait pas disparaitre son âme de romantique. Hank aime Karen et le sentiment est réciproque, mais le romancier parait être incapable de ne pas tout ruiner pour eux, en particulier quand les choses tournent finalement dans son sens. Malgré tout, leur relation — aussi chaotique fut-elle — s’est révélée être la partie la plus consistante de Californication, tandis que la plus constante a été celle qui unissait Hank et Becca (Madeleine Martin). Elle aimait son père en dépit du fait s’il ne cessait jamais de la décevoir.

En sept saisons, la série a livré des moments de pur génie comique, de la satire en or et des scènes iconiques… et tout le contraire également. Si l’on pouvait toujours compter sur une dinner party qui tourne à la catastrophe pour retrouver l’essence même de l’humour du show, ces scènes se firent rares et ce qui se voulait subversif au point de départ a fini par devenir paresseux et occasionnellement pathétique.

Californication débuta avec quelques difficultés, ne trouvant réellement son ton et son rythme qu’en saison 2, puis céda à la facilité en plaçant Hank dans des univers systématiquement différents qui n’apportaient rien de neuf et n’était que des excuses pour intégrer de nouveaux excentriques. La série vit son catalogue de personnages excessifs s’allonger rapidement dans le but de compenser le fait qu’Hank ne fait que se laisser porter par les évènements. Les scénaristes virent en lui un simple véhicule et non plus le cœur de leur histoire. Celle-ci perdit alors progressivement de sa saveur. La seule raison de poursuivre au-delà de la conclusion parfaite de la quatrième saison qui aurait pu brillamment marquer la fin du show est le plaisir de retrouver des acteurs qui semblaient toujours bien s’amuser, en dépit de la qualité constamment déclinante du matériel qu’on leur donnait.

David Duchovny put ainsi interpréter un personnage qui l’éloignait réellement de son rôle iconique de Fox Mulder dans The X-Files. Evan Handler et Pamela Adlon purent donner libre cours à leur talent comique, tandis que Natascha McElhone paraissait simplement continuer à revenir pour passer des vacances au soleil.

À sa manière, Californication a été victime des excès et de la médiocrité qu’elle cherchait à dénoncer. Elle incarnait la volonté des chaines du câble à en faire trop pour prouver leurs différences, mais repousser les limites n’est pas suffisant. Quand il n’y a plus rien à raconter, sur un network ou sur le câble, le problème est le même. Tom Kapinos est devenu aussi complaisant que Hank, tout en prétendant être resté le rebelle des débuts.

En dépit de tout cela, Californication contient indéniablement son lot de moments mythiques, de dialogues affutés et de réflexions pertinentes. Elle fit rire à grande dose pendant un temps, formula une critique justifiée du système hollywoodien et ne manquait pas de romantisme et de bonne musique pour contrebalancer ses pointes de mauvais gout. Il est regrettable qu’elle ne se soit pas arrêtée assez tôt.


L’intégrale de Californication peut être regardé en France en streaming sur la plateforme Canal+ séries.